Après cinq mois de silence, le président algérien, Abdelmajid Tebboune, s’est prononcé sur les relations avec l’Espagne pour avertir qu' »elles sont gelées, mais pas annulées ». Et ce, depuis la suspension en juin dernier du traité d’amitié et de bon voisinage entre les deux pays.
Lors d’une rencontre inhabituelle avec la presse algérienne ce week-end, le président a reproché au gouvernement espagnol d’avoir fait « un faux pas » et commis un « acte hostile ». Faisant allusion au virage pris par le président du gouvernement Pedro Sanchez en s’alignant il y a un an sur la thèse favorable à l’autonomie du Sahara Occidental au sein du Maroc, la considérant comme « la plus sérieuse, réaliste et crédible ».
Le président algérien s’est fait l’écho de l’intervention de Sanchez en septembre dernier devant l’Assemblée générale des Nations unies, dans laquelle il a estimé que l’Espagne défend « une solution politique mutuellement acceptable » dans le cadre des Nations unies. Il a décrit ses propos comme « un possible retour de l’Espagne au consensus européen sur la question sahraouie ». Quelques semaines plus tôt, le président du gouvernement espagnol avait déclaré en Allemagne qu’il « adorerait » pouvoir se rendre à Alger, dans un apparent geste de bonne volonté.
« Il n’y a rien de nouveau » dans les relations avec l’Espagne, a-t-il désormais précisé. Et ce, dans un communiqué dans lequel il a souligné les progrès de l’Algérie sur le plan diplomatique grâce à la stabilité et à la solidité de son économie, selon l’agence de presse d’Etat APS. Face aux allusions au tournant du gouvernement sur le Sahara, Tebboune a été plus explicite en déclarant : « Personnellement, je suis profondément bouleversé par l’état des relations avec l’Espagne, mais l’Algérie n’est pas à l’origine de cette crise […]. Le peuple espagnol, avec qui les relations sont très bonnes, n’y est pour rien, et nous avons un respect total pour le roi d’Espagne, et il le sait. »
Gel temporaire
La situation « ne s’annonce pas bonne », a souligné Tebboune, cité par l’Agence Efe. Des sources diplomatiques maghrébines et européennes s’accordent à dire que le gel des relations bilatérales est temporaire.
Alger semble les avoir laissées en suspens, dans l’attente des résultats des élections législatives prévues dans les mois à venir et d’un éventuel remplacement à la tête du gouvernement qui ramènera l’Espagne à sa position antérieure sur le Sahara : le plan d’autodétermination par moyen d’un référendum, qui ouvrirait la porte à l’indépendance, conçu il y a trois décennies par les Nations unies.
« En ce qui concerne le reste des organisations [espagnoles], nous continuons à travailler avec elles », a déclaré le chef d’Etat nord-africain. L’Algérie a réduit d’un tiers ses importations en provenance d’Espagne, qui sont passées de 2 906 millions d’euros en 2019 à 1 010 millions en 2022. Les exportations algériennes vers l’Espagne ont cependant augmenté de près de 85 %, passant de 3 851 millions il y a trois ans à 7 105 millions l’an dernier.
En pleine crise diplomatique avec Madrid, Alger n’a pas interrompu l’acheminement du gaz et du pétrole, dont le prix s’est envolé à cause de la guerre en Ukraine. Malgré les revendications espagnoles auprès de Bruxelles pour que l’Algérie respecte le traité d’association qu’elle a signé avec l’UE, le veto à l’importation de produits espagnols est en fait maintenu car les opérations bancaires commerciales entre les deux pays restent bloquées.
Lors de sa rencontre avec la presse, Tebboune a également souligné le renforcement des relations avec l’Italie, devenue le principal importateur de gaz algérien après avoir supplanté l’Espagne. « Cette situation ne plaît pas à certains pays européens, mais l’Algérie est libre dans ses relations internationales et économiques et défend ses intérêts », a-t-il souligné.
Le Premier ministre italien Giorgia Meloni s’est rendu à Alger le mois dernier pour promouvoir la construction d’un nouveau gazoduc entre les deux pays. Et ce, dans le but de mettre fin à la dépendance énergétique de l’Italie vis-à-vis de la Russie. L’Algérie fournit du gaz naturel à l’Espagne via le gazoduc Medgaz, qui relie directement la côte andalouse.
Enfin, après avoir rompu les relations diplomatiques avec le Maroc en 2021, Alger a cessé d’envoyer du gaz par le gazoduc du Maghreb, le gazoduc qui relie la péninsule ibérique par le détroit de Gibraltar.