Pourquoi un gouvernement d’extrême droite cherche-t-il à soutenir la Tunisie « qui passe par une crise économique et institutionnelle dont les conséquences inquiètent au-delà de l’Italie », selon les propos de Giorgia Meloni? Pour mieux protéger, par pays interposé, ses frontières maritimes contre « l’exode africain vers les côtes siciliennes ». Elémentaire, mon cher Watson.
Faut-il rappeler que dans l’art subtil de la géopolitique, les Etats n‘ont pas d’amis ou d’ennemis permanents; mais des intérêts permanents?
Sinon, comment expliquer que la présidente du Conseil des ministres d’Italie, Giorgia Meloni, qui, avant d’accéder au pouvoir et à l’unisson des autres formations européennes d’extrême droite, dénonçait avec force « le remplacement ethnique en cours en Italie », promettant de fermer hermétiquement ses frontières pour se protéger contre l’immigration clandestine ainsi que « l’islamisation rampante de l’Italie », vole aujourd’hui au secours de la Tunisie? Par altruisme désintéressé? Pour les beaux yeux des descendants d’Hannibal? Allons donc.
Les Tunisiens, gendarmes des frontières italiennes?
La vérité, c’est que le nouveau gouvernement italien, élu principalement pour lutter efficacement contre le flux migratoire, n’a pas tenu ses promesses. Ainsi, selon les chiffres officiels, le nombre de migrants clandestins tunisiens a été multiplié par huit depuis le début de l’année en cours. De plus, pas moins de 12 mille migrants tunisiens et subsahariens sont récemment arrivés en Italie.
Alors, étant de facto dans l’incapacité de protéger efficacement ses frontières maritimes, le gouvernement italien souhaite que son voisin du Sud, la Tunisie, le point de passage le plus proche de ses côtes, assume désormais le rôle de garde-côte.
D’où l’appel du ministre des Affaires étrangères et de la Coopération italien, Antonio à Tajani, à « soutenir la Tunisie, puisque c’est là où le flux migratoire est de plus en plus important ».
Appel à une aide d’urgence émiratie
En effet, au cours d’une interview accordée mercredi 15 mars 2023 à Sky 24, le ministre italien a reconnu que la situation en Tunisie est « très compliquée en raison de la crise économique ». Tout en ajoutant qu’il était en contact permanent avec le ministre tunisien des Affaires étrangères. Et en affirmant à l’occasion que son pays, « dans l’attente de l’apport de la Banque mondiale pour soutenir son budget, œuvre à envoyer des aides économiques à la Tunisie, afin de lui éviter la chute financière ».
« L’Italie a appelé notamment les Emirats arabes unis à accorder une aide d’urgence de 500 millions de dollars à la Tunisie, et ce, pour lui permettre de dépasser la crise actuelle », confessait le chef de la diplomatie italienne. Une déclaration somme toute étrange! Car, s’ils avaient l’intention de nous aider financièrement à surmonter nos difficultés actuelles, nos frères émiratis auraient-ils attendu l’appel du pied de l’Italie pour voler à notre secours?
Les inquiétudes de Rome
Même son de cloche de la part de la présidente du Conseil des ministres. Evoquant « l’exode africain vers les côtes siciliennes », Giorgia Meloni assura que, durant les prochaines semaines, elle demandera des réponses « fortes » au niveau européen pour soutenir les pays de l’Afrique du Nord. « En prime la Tunisie qui passe par une crise économique et institutionnelle dont les conséquences inquiètent au-delà de l’Italie », a-t-elle souligné, citée par l’agence officielle de presse italienne, AKI.
« Il est temps de passer aux choses sérieuses et d’agir dans les plus brefs délais, pour faire face au phénomène de la migration clandestine », affirmait Giorgia Meloni, mercredi 15 mars en cours, devant le Sénat. En appelant l’Union européenne à tenir un sommet sur l’immigration.
Et de poursuivre : « L’Italie subit une grosse pression à cause du nombre de débarquements et de naufrages au large des côtes siciliennes ayant triplé par rapport aux premiers mois de 2022. Le gouvernement doit impérativement trouver un moyen pour freiner l’exode africain en toute urgence. Nous risquons une invasion si l’Europe ne bouge pas ». Par conséquent, « les paroles et les initiatives ordinaires des forces de l’ordre ne suffisent plus, nous devons passer rapidement aux actes », a encore averti Giorgia Meloni.
Des menaces en l’air?
Faut-il prendre ces paroles au sérieux? Et de quelle manière la Dame de fer italienne « passera-t-elle rapidement aux actes »?
Procédera-t-elle à un blocus maritime autour de ses eaux territoriales, quitte à saborder les embarcations de fortune qui tentent d’atteindre, même par la force, les côtes italiennes ? A moins d’un coup de bluff visant à satisfaire les vœux des plus fanatiques de ses partisans adeptes de « la manière forte » contre l’immigration clandestine.
Rappelons enfin qu’un parlementaire du parti d’extrême droite Fratelli d’Italia de Giorgia Meloni évoquait lundi 13 mars des rapports de renseignement selon lesquels 685 000 migrants se trouvent en Libye dans l’attente d’une opportunité de partir par la mer vers l’Italie. Sauf qu’un responsable des migrations de l’ONU, Flavio Di Giacomo, qualifiait dans le même temps ce chiffre de « non crédible » et ces déclarations « d’alarmistes ».