Plus les avoirs en dette souveraine détenus par le secteur bancaire augmentent, plus les pressions sur les finances publiques deviennent menaçantes pour la stabilité financière. La dégradation des finances publiques fragilise les banques, freine le crédit bancaire et l’activité économique. D’où une baisse des recettes fiscales et un besoin croissant pour le financement du budget de l’Etat.
La note n°2023-10 publiée le 7 mars 2023 de la Banque centrale de Tunisie qui vise à limiter la capacité des banques et établissements financiers à distribuer des dividendes au titre de l’exercice de l’année 2022 trouve toute sa raison d’être. Certes, une telle décision serait pénalisante aussi pour l’Etat, du fait de sa forte présence dans le capital des banques publiques. Elle pourrait générer un manque à gagner déstabilisant pour le schéma de financement défini par la loi de finances 2023. Mais dans la balance des risques, le risque de durcisse- ment des conditions de financement du budget pèse peu par rapport au risque systémique.
La situation d’interdépendance qui caractérise la relation Banque-Etat est fort menaçante. D’un côté, la dégradation des finances publiques et l’assèchement de la liquidité en devises étrangères ont accentué la dépendance de l’Etat au financement bancaire. De l’autre, les banques se rabattent sur les titres souverains pour profiter de leur niveau de rémunération, de leur rôle dans l’amélioration du ratio de liquidité (LCR – Liquidity Coverage Ratio) et de leur réputation comme collatéraux lors des opérations de refinancement auprès de la Banque centrale.
Les difficultés rencontrées par la Tunisie dans le dossier de mobilisation de ressources en devises étrangères pour le financement du budget plaident pour un recours accru au financement bancaire domestique. Du coup, l’autorité monétaire pourrait aller au-delà du durcissement des conditions de distribution des dividendes, si les banques de la place n’arrivent pas à contrôler leur appétit pour la détention des titres souverains.
En bref, la perte de la boussole économique dans un labyrinthe judiciaire et institutionnel n’est pas de bon augure pour une économie qui peine à boucler ses exercices budgétaires. Si la sagesse n’est pas de retour et que la machine des réformes n’arrive pas à démarrer sérieuse- ment, la Tunisie finira par prendre le « TGV de la perte de souveraineté ». Bonjour les dégâts !!
Par Moez Labidi
Cet article est disponible dans le n° 865 de L’Economiste Maghrébin du 15 au 29 mars 2023