Il y a quelque chose d’étrange qui s’est passé aux USA. En l’espace de quelques jours, des informations ‘’Top secret’’ ont quitté les coffres forts de l’administration de Joe Biden pour être publiées dans la presse d’outre-Atlantique et largement partagées sur les réseaux sociaux. La première ‘fuite’ concerne les préparatifs militaires de l’armée ukrainienne pour« la contre-offensive du printemps ». La seconde nous apprend que le Mossad israélien encourage les manifestations massives qui secouent Israël depuis des semaines, dirigées contre le gouvernement extrémiste de Benyamin Netanyahu.
Ce n’est pas la première fois que des documents ‘top secret’ quittent l’une des institutions de l’Etat fédéral et atterrissent dans les salles de rédaction. La fuite la plus spectaculaire remonte à 1971 et concernait alors ce que qu’on appelait ‘’Pentagon papers’’. A savoir des documents relatifs aux secrets de la guerre du Vietnam. Une fuite qui avait grandement contribué à élargir l’opposition à cette guerre aux USA et dans le monde.
Plus récemment, il y a juste quelques semaines, des informations ‘’Top secret’’ aussi ont quitté la Maison-Blanche pour arriver entre les mains du grand journaliste Seymour Hersh. Elles concernent la destruction des gazoducs sous-marins reliant la Russie à l’Allemagne, connue comme étant« le sabotage du siècle ». Seymour Hersh en a fait un article de 5000 mots, détaillant les préparatifs dans des réunions à la Maison-Blanche de cet « acte spectaculaire de terrorisme d’Etat ».
La question qui se pose est comment des informations d’une telle importance pour les USA arrivent entre les mains de grands journalistes connus comme Daniel Ellsberg, l’auteur de ‘’Pentagon papers’’ et Seymour Hersh, l’auteur de ‘’How America took out Nordsteam pipeline’’ ?
En fait, il ne faut pas être doté d’une intelligence supérieure pour comprendre que les ‘fuites’ sont l’œuvre de hauts responsables ayant accès aux documents relatifs à un événement donné, mais qui, au fond d’eux-mêmes, désapprouvent la gestion gouvernementale de cet événement. Sans nul doute, ceux qui avaient remis les ‘’Pentagon papers’’ à Daniel Ellsberg s’opposaient dans leur for intérieur à la guerre du Vietnam,. Mais ils ne pouvaient le proclamer ouvertement, de peur de voir leur carrière détruite ou de se retrouver en prison. Le même raisonnement s’applique à ceux qui sont contre le sabotage des gazoducs russes. C’est-à-dire contre l’implication de l’administration Biden dans un acte éhonté de terrorisme d’État.
Certes, la Maison-Blanche a démenti les informations contenues dans l’article de Seymour Hersh. Mais personne ne croit à ces démentis pour deux principales raisons. La première est que si la Maison-Blanche est innocente et a été accusée injustement d’un crime international entachant aussi gravement sa réputation, elle aurait trainé Seymour Hersh en justice. Et ce, pour le forcer à donner ses preuves ou à se préparer pour de longues années de prison.
La seconde raison se trouve dans les propos même de Joseph Biden prononcés dans une conférence de presse le 7 février 2022. Soit deux semaines avant l’entrée des troupes russes à l’Est de l’Ukraine. Ainsi le Président des USA avait dit ce jour-là : « Si la Russie envahit l’Ukraine, il n’y aura plus de Nord Stream 2. Nous y mettrons fin (We bring it to an end)».
Les choses sont différentes pour les deux autres fuites relatives à l’Ukraine et au désordre en Israël. Pour les documents relatifs aux préparatifs de « la contre-offensive du printemps » que mènerait l’armée ukrainienne, difficile à dire s’ils sont authentiques ou apocryphes. Toutefois, on peut émettre les hypothèses suivantes : s’ils étaient authentiques, ils pourraient être ‘fuités’ par de hauts responsables américains opposés à la guerre d’Ukraine. S’ils étaient apocryphes, ils pourraient être ‘fuités’ par les autorités américaines elles-mêmes dans le cadre de la campagne de désinformation qui vise l’armée russe.
Reste l’information fuitée qui nous apprend que le Mossad israélien encourage les manifestations massives contre le gouvernement extrémiste de Benyamin Netanyahu. Le plus probable est que cette information est authentique.
Authentique, car de nombreux hauts responsables israéliens dans l’armée, la police, les services de renseignements et l’administration civile n’ont pas caché leur opposition au projet de loi controversé de Netanyahu qui consiste à mettre la main sur la justice. Par conséquent, ils ne peuvent qu’approuver les manifestations, quand ils ne contribuent pas à leur intensification. Il n’est guère étonnant dès lors que le Mossad s’implique et encourage les manifestations dans l’intention de mettre encore plus de pression sur Netanyahu.
Le plus probable aussi est que cette information a été ‘fuitée’ délibérément par l’administration américaine. On sait que les relations entre Netanyahu et Biden ont été pendant des décennies plus que cordiales. Mais depuis la formation du « gouvernement le plus extrémiste dans l’histoire d’Israël », les relations qui lient Netanyahu à Biden en particulier et à l’administration américaine en général, se sont détériorées.
Ce qui est reproché à Netanyahu, ce n’est évidemment pas sa politique répressive contre les Palestiniens et sa protection des randonnées sauvages des hordes de colons dans l’esplanade des mosquées et à Al Aqsa. L’administration Biden a refusé même de condamner l’incursion des forces de répression israéliennes à l’intérieur de la Mosquée Al Aqsa et l’arrestation de centaines de Palestiniens, trainés manu militari hors de la Mosquée.
Ce qui est reproché à Netanyahu, c’est son alliance avec les plus extrémistes des partis israéliens, ceux d’Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich, et sa tentative de mettre la main sur la justice.
Dans des tentatives désespérées d’échapper à la justice, le plus pourri des Premiers ministres israéliens est en train de se débattre comme un rat pris au piège. Sa décision de s’allier avec des personnages aussi infréquentables que Ben Gvir et Smotrich ne s’explique que par son désir de bénéficier pour quelques temps encore de l’immunité qui permet le gel des poursuites judiciaires dont il fait l’objet. Et sa tentative de faire passer son projet de loi qui assujettit le pouvoir judiciaire à l’exécutif n’est guère étrangère à son désir de mettre en place non seulement un système judiciaire affaibli et incapable de s’opposer aux décisions gouvernementales; mais aussi une justice dépourvue des moyens de poursuivre les politiciens corrompus dont il est l’incarnation.
Aux yeux de l’administration américaine, tant que Netanyahu est un danger pour les Palestiniens, cela ne pose aucun problème de le garder en odeur de sainteté aux USA. Mais avec les graves développements en Israël ces dernières semaines, Netanyahu devient un danger pour la stabilité de son pays et une source d’embarras pour la politique des USA vis-à-vis d’Israël. Tous les moyens de s’en débarrasser sont, dès lors, bons.