L’Union européenne (UE) a lancé cette semaine sa révision, tant attendue, de la législation pharmaceutique en vigueur. Il s’agirait du plus grand remaniement de lois régissant cette industrie clé depuis des décennies.
La Commission européenne (CE) affirme que ces réformes rendront l’industrie plus souple et les médicaments plus disponibles, plus accessibles et plus abordables. L’un des principaux objectifs est de permettre aux patients d’accéder plus rapidement et plus équitablement aux médicaments dans l’ensemble des 27 États membres.
Exclusivité réduite des médicaments
Selon la Fédération européenne d’associations et industries pharmaceutiques (EFPIA), un fossé existe aujourd’hui. Il faut environ 133 jours à un patient allemand pour accéder à un nouveau médicament, contre 899 jours à un patient roumain. Elle a également constaté que 92% des médicaments innovants étaient disponibles en Allemagne, contre 30% seulement dans les États membres plus petits et de l’Europe de l’Est.
Le cadre réglementaire modifié réduit la période d’exclusivité accordée aux médicaments nouvellement développés qui entrent sur le marché de 10 à 8 ans. Les entreprises peuvent la prolonger jusqu’à 10 ans si elles lancent le médicament dans les 27 États membres de l’UE dans un délai de 2 ans. Cela signifie que pour les consommateurs, les prix des médicaments baisseront plus tôt.
Pour les entreprises pharmaceutiques et les groupes de pression, cette mesure pourrait entraver l’innovation et la disponibilité générale des médicaments. Elles pourraient s’avérer délicates et coûteuses pour les entreprises, qui pourraient décider de ne pas développer ou lancer de nouveaux médicaments au sein de l’UE. Le bloc serait ainsi placé derrière les États-Unis et la Chine.
La Fédération européenne des associations et industries pharmaceutiques (EFPIA) soutient les objectifs de la stratégie des décideurs européens, mais elle pense qu’elle sape la recherche et le développement en Europe, tout en n’abordant pas la question de l’accès aux médicaments pour les patients. Pour les professionnels, la majorité des retards d’accès surviennent après que les entreprises déposent leurs demandes de prix et de remboursement, donc dans l’attente de décisions externes.
Un pas risqué ?
La solution est donc une réglementation pour la croissance et la compétitivité. In fine, les laboratoires pharmaceutiques sont des entités économiques qui cherchent à gagner de l’argent, et ont des choix à faire quant à l’orientation de leur capital et de leurs ressources.
Effectivement, une réduction de deux ans de l’exclusivité pourrait avoir un impact important sur certaines entreprises, en particulier s’il s’agit d’un médicament rare. Une grande partie de la valeur pourrait provenir de ces deux dernières années, car c’est à ce moment-là que le médicament s’impose sur le marché.
Les laboratoires, qui verront le risque de se lancer sur plusieurs marchés dont chacun a ses propres législations, peuvent choisir d’aller ailleurs. En particulier, ceux de taille moyenne, en particulier, devront décider si elles se lancent aux États-Unis ou si elles attendent d’être prêtes à se lancer dans l’ensemble de l’UE.
Pour le Bureau européen des unions de consommateurs, la proposition de la CE est une bonne nouvelle. Elle permettra aux patients d’accéder plus facilement et plus rapidement à des médicaments génériques moins chers.
Toutefois, certains détails sont critiqués. La création de bons d’exclusivité, qui donnerait à une entreprise pharmaceutique qui développe un nouvel antibiotique la possibilité d’étendre sa période d’exclusivité à un autre médicament de son choix, compromet les autres avantages de la réforme. Le débat devrait se poursuivre pendant des mois, voire des années. C’est crucial pour notre industrie tunisienne qui a des liens très développés avec les acteurs de la rive nord de la méditerranée.