L’enseignement public est battu en brèche ; il ne garde que l’apparence de sa face publique, du reste fort lézardée. L’argent roi impose désormais les règles et trace à l’intérieur même du système une ligne de démarcation, une frontière entre ceux qui en disposent pour financer des cours particuliers et ceux qui en sont dépourvus.
L’enseignement public est dévoyé par le pouvoir de l’argent. Il est rongé par une sorte de privatisation rampante qui
n’ose pas dire son nom, dans l’indifférence et le silence assourdissant de l’État. Les enseignants, toutes disciplines
confondues, dans les villes ou les quartiers à revenus moyens et élevés, qui semblent même profiter de la crise,
en font leur commerce. Par leur hypocrisie et leur cupidité, ils ont dévoyé, dénaturé les valeurs de l’école républicaine. On attend en vain une réaction de l’autorité de tutelle, moins pour dissuader les enseignants qui s’adonnent à ce sport national des plus juteux que pour faire revenir la balance et rétablir le principe de l’égalité des chances.
Résultat des courses : le système se rétrécit au sommet, au seul avantage d’une élite qui, à quelques exceptions près, parade en haut de la pyramide sociale. Il y a fort à craindre qu’elle fera carrière ailleurs, sous d’autres cieux, là où elle est prisée et convoitée, au grand dam de l’économie nationale. Sommes-nous à ce point poursuivis par la fatalité des résidus du système colonial ? Faut-il qu’au pillage ancien de nos ressources naturelles succède celui de nos compétences pour lesquelles le pays s’est saigné à blanc ? De quoi alors sera fait notre futur ?
A méditer…
Editorial paru dans le Mag de l’Economiste Maghrébin N°873 du 5 au 19 juillet 2023