Dans un contexte géopolitique exacerbé par la rivalité entre les deux géants du Maghreb, la reconnaissance par l’Etat hébreu de la souveraineté du royaume du Maroc sur le Sahara occidental ne fait que susciter l’inquiétude grandissante des Algériens ; lesquels constatent que le loup est désormais dans la bergerie. Juste à proximité de leurs frontières.
Nos voisins algériens ont-ils tort de crier au loup en considérant qu’en conséquence de la normalisation de Rabat avec Tel-Aviv, « l’entité sioniste » campe désormais à leurs frontières ?
C’est dans ce contexte que la presse algérienne n’y est pas allée de main morte en réaction à la récente reconnaissance par Israël de la souveraineté du royaume du Maroc sur le Sahara occidental ; allant jusqu’à établir un parallèle entre les revendications marocaines sur ce territoire et la colonisation israélienne en Palestine.
« La décision d’Israël de reconnaître l’occupation marocaine du Sahara occidental n’est pas étonnante de la part d’un pays qui occupe les territoires palestiniens et une partie du territoire syrien. En somme, un colonisateur qui apporte son soutien à un autre », ainsi titra lundi 17 juillet le site algérien TSA. En mesure de ressentiment des médias algériens, ce parallèle ne les grandit pas.
Sachant que l’ancienne colonie espagnole considérée comme un territoire autonome par l’ONU est revendiquée à bon droit depuis près d’un demi-siècle par le Maroc qui en contrôle de facto environ 80 %.
Provocation
Ainsi, il y a deux jours, le palais royal annonça la réception par le roi Mohammed VI d’une lettre officielle rédigée par le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou.
Dans cette missive, le dirigeant hébreu à la tête d’une coalition, la plus à droite de l’histoire du pays, puisqu’elle est composée de partis d’extrême-droite et les ultra-orthodoxes, a fait non seulement part de son intention de reconnaître la marocanité du Sahara occidental, mais d’ouvrir en sus un consulat dans la ville de Dakhla, située en territoire sahraoui.
D’autre part, et pour donner davantage de solenneleté à son initiative, Netanyahou précise que la position de son pays sera « reflétée dans tous les actes et les documents pertinents du gouvernement israélien ». Elle sera également « transmise aux Nations unies, aux organisations régionales et internationales dont Israël est membre, ainsi qu’à tous les pays avec lesquels Israël entretient des relations diplomatiques ».
Le spectre des accords d’Abraham
Aux yeux d’Alger, l’intention israélienne de reconnaître la souveraineté du royaume chérifien sur cette ancienne colonie espagnole est l’aboutissement logique du processus de normalisation des relations israélo-marocaines, initié en décembre 2020 par la signature des accords d’Abraham par le royaume chérifien.
Sachant qu’avant Israël, les Américains étaient les premiers à reconnaître la marocanité du Sahara occidental, en décembre 2020, sous la présidence de Donald Trump.
En mars 2022, le Premier ministre espagnol, Pedro Sánchez, lui emboita le pas en apportant à son tour le soutien de Madrid au « plan marocain d’autonomie » sur le Sahara occidental, provoquant une crise diplomatique aux lourdes conséquences économiques avec Alger.
A titre d’exemple, six mois après la rupture par l’Algérie de son traité d’amitié avec l’Espagne, le gel des opérations bancaires entre les deux pays aura entraîné un manque à gagner de 487 millions d’euros pour l’Espagne en seulement quatre mois.
Jeu d’équilibrisme
Disons pour conclure que la décision israélienne survient dans un climat de vive rivalité entre le Maroc et l’Algérie, les deux voisins ayant rompu leurs relations diplomatiques en 2021 à l’initiative d’Alger qui soupçonne des « manœuvres étrangères » à ses frontières.
En effet, les Algériens observent avec inquiétude que depuis leur normalisation diplomatique en 2020, le Maroc et Israël auront accéléré leur coopération, essentiellement militaire et sécuritaire. Pour preuve, et rien que lundi 17 juillet 2023, le chef d’état-major israélien a fait part de la nomination d’un attaché militaire pour la première fois au Maroc, lequel prendra ses fonctions dans les prochains mois.
De plus, le bureau de liaison israélien à Rabat doit être élevé au rang d’ambassade et le Maroc s’apprête à faire de même à Tel-Aviv. Sans oublier que depuis la fin mai 2023, pas moins de trois ministres israéliens ainsi que le président du Parlement, le conseiller à la sécurité nationale se sont rendus au Maroc.
Ceci-dit, et bien que tout semble baigner dans l’huile entre le Palais royal et le gouvernement ultranationaliste contesté même en Israël, la cause palestinienne continue de susciter une immense ferveur au cœur de la population marocaine. Or, en sa qualité du président du Comité Al-Qods, le souverain chérifien Mohammed VI – en fin politique – doit impérativement en tenir compte.