Alors que les marchés commencent à s’inquiéter pour l’évolution des cours de blé à la suite de la suspension du Grain deal, Vladimir Poutine a donné l’espoir de sa reprise, mais pas sans prix.
Les contrats à terme sur le blé ont grimpé de près de 9 % mercredi 19 juillet et se dirigent vers leurs plus hauts niveaux depuis un mois. Les opérateurs craignant une nouvelle pénurie d’aliments de base.
Problème d’infrastructures
Moscou a même attaqué Odessa, la ville qui abrite l’infrastructure portuaire à partir de laquelle les céréales ont été exportées dans le cadre de l’accord négocié par les Nations unies et la Turquie. Le Kremlin a déclaré qu’il s’agissait d’une réponse à l’attaque du pont de la Crimée. Le ministère russe de la défense a déclaré que tout navire se dirigeant vers un port ukrainien serait considéré comme transportant potentiellement une cargaison militaire. En d’autres termes, il sera attaqué.
Or, les céréales ukrainiennes sont essentielles à l’approvisionnement alimentaire mondial. L’année dernière, les perturbations du marché ont conduit à une insécurité alimentaire aiguë dans 27 pays, touchant des millions de personnes. En 2023-24, l’Ukraine a déjà programmé l’export de 6 millions de tonnes de blé et 10 millions de tonnes de maïs en moins. Sa production a été divisé par deux.
En l’absence d’un nouvel accord sur les céréales, les options consistent à utiliser les chemins de fer pour acheminer les céréales ukrainiennes vers les ports de Roumanie ou du sud-est de l’Europe. En pratique, ces deux scénarios posent des problèmes de temps et d’argent. Les ports roumains connaissent actuellement des travaux d’extension. Reste donc à savoir si l’Union Européenne, qui a récupéré 50 % de l’offre céréalière ukrainienne depuis le début du conflit, a les capacités ailleurs pour réexporter ces volumes.
Inflexibilité russe
Est-ce que la Russie pourrait réintégrer l’accord sur les céréales? La clé pour certains observateurs est des pressions, non pas de la part des États-Unis et des Nations unies, mais plutôt des pays d’Afrique subsaharienne qui souffriront le plus de la hausse des prix des céréales et du pétrole.
La Turquie et la Chine ont également un poids à ce niveau. Ankara a servi d’intermédiaire pour les versions précédentes de l’accord sur les céréales et prévoit d’accueillir Poutine pour des discussions en août prochain. Pour sa part, la Chine souffre d’une sécheresse qui a affecté sa production nationale. Pékin serait peut-être amenée à demander à la Russie de se montrer plus flexible.
Au-delà des leviers diplomatiques, l’une des principales demandes de Moscou est la reconnexion de sa banque agricole Rosselkhozbank au réseau de paiement international, SWIFT. L’Union européenne a réitéré en mai 2023 sa position. Elle n’envisage pas de réintégrer les banques russes. Toutefois, elle est prête à reconnecter à SWIFT une filiale de Rosselkhozbank afin de permettre spécifiquement les transactions de céréales et d’engrais.
Nous pensons que Moscou n’acceptera pas un tel arrangement. La Russie veut réaliser une percée dans ce dossier et marquer une victoire. Plus les prix montent, plus les Occidentaux seront dans la ligne des critiques internationales.
Impact sur la Tunisie
Pour la Tunisie, et après les 200 000 tonnes récemment achetés, l’approvisionnement est assuré pour les mois à venir.
Néanmoins, si le blocage persiste, nous allons payer chers nos prochaines commandes. L’impact sur la facture des subventions serait significatif pour le dernier trimestre. Pour l’ensemble de l’exercice 2023, elle ne risque pas de déraper des attentes.
Pour le budget 2024, il faudrait tenir compte d’une année de turbulences sur les marchés des produits de base. Ce n’est que le début et la Russie sortirait son grand jeu. Le conflit dure plus longtemps que prévu et le prix que les Européens payent les irrite déjà.