Sous la houlette de Ron DeSantis, gouverneur et candidat à l’investiture républicaine pour l’élection présidentielle de 2024, les nouveaux manuels scolaires de l’Etat de Floride cherchent ipso facto à blanchir l’esclavagisme, la forme la plus abjecte de l’injustice raciale.
Tous les moyens sont bons, même les plus immoraux, pour grignoter plus de voix en vue de l’investiture républicaine. Ainsi, pour faire de la surenchère à la doctrine suprémaciste de son rival Donald Trump, l’ultraconservateur gouverneur de l’Etat de Floride, Ron DeSantis – candidat à l’investiture républicaine pour l’élection présidentielle de 2024 – entend bien transformer l’État qu’il dirige en un laboratoire politique de la droite. Du clonage de l’ancien président des Etats-Unis, mais en pire.
Suprémacisme blanc
C’est dans ce dessein qu’il poursuit un projet de réforme très conservatrice de l’enseignement public suivant une ligne réactionnaire et révisionniste. Allant même, comble de l’infamie, jusqu’à faire l’apologie de l’esclavagisme.
En effet, sous la houlette de ce jeune gouverneur, 44 ans, l’enseignement de l’histoire des Noirs en Floride est tout entier revu pour faire la promotion du suprémacisme blanc. Au début de l’année, il a fait interdire en Floride l’enseignement d’un programme consacré à l’histoire afro-américaine.
Pis, son administration a rejeté 35% des manuels d’études sociales soumis pour examen, y compris des livres faisant référence au meurtre de George Floyd par la police et au Mouvement Black Live Matters.
Car il y a des signes qui ne trompent pas. Pour preuve, le révisionnisme historique gagne du terrain aux États-Unis, où les conservateurs œuvrent à nier les violences raciales anti-Noirs qui ont émaillé l’histoire de ce pays ; un document de 216 pages recensant les nouvelles directives éducatives précise que l’esclavage aurait permis aux Afro-Américains de « développer des compétences qui, dans certains cas, pouvaient être appliquées pour leur bénéfice personnel ». Rien que cela.
« Bienfaits de l’esclavagisme »
Ainsi, un an après le «Don’t say gay» («Ne parlez pas des gays») et le Stop Woke Act, qui interdisaient coup sur coup d’évoquer à l’école des sujets en rapport avec les questions d’orientation sexuelle, d’identité de genre ou de l’enseignement de la théorie critique de la race, le conseil de l’éducation de Floride vient de passer à un palier supérieur en approuvant une nouvelle règlementation sur la façon dont l’histoire noire doit officiellement être enseignée.
L’histoire travestie
Outre les « bienfaits de l’esclavagisme», ce crapuleux programme scolaire présente en effet une approche de l’histoire des émeutes ethniques aux Etats-Unis. Les directives suggèrent également que « l’enseignement des incidents de violence raciale de masse contre les Afro-Américains soit dispensé dans le contexte des actes de violence perpétrés contre et par les Afro-Américains ».
Autrement, ces directives mettent l’accent sur les violences commises par les personnes noires lors de certaines émeutes ethniques, comme celles d’Atlanta en 1906, dans lesquelles au moins une douzaine d’Afro-Américains furent massacrés à cause d’une rumeur de viols qui auraient été commis par des Noirs sur des femmes blanches. Ou le massacre d’Ocoee perpétré le 2 novembre 1920 par une foule blanche qui a détruit cette ville en Floride et lynché, voire assassiné, jusqu’à 60 personnes après qu’un homme noir a tenté de voter. Ou encore le massacre de Tulsa de 1921, qui a abouti à la mort d’au moins une centaine d’Afro-Américains.
Résistances
A noter la réaction ferme et immédiate de Kamala Harris, la vice-présidente des États-Unis, qui s’est rendue aussitôt en Floride pour dénoncer ces nouvelles normes d’enseignement « qui visent à effacer l’histoire des violences raciales perpétrées contre les populations noires aux États-Unis ».
«Dans le monde entier, les gens connaissent notre histoire, or, ignorer sa propre histoire, c’est construire un handicap pour nos enfants. Ces mesures relèvent d’une histoire révisionniste. Ils nous insultent pour tenter de nous manipuler mais nous ne le permettrons pas », s’est-elle écriée.
Pour sa part, la Florida Education Association, un syndicat représentant plus de 150 000 éducateurs de l’État, a ouvertement critiqué le nouveau programme en le qualifiant de «mauvais service rendu aux élèves de Floride» et de «grand pas en arrière».
«Les élèves de Floride méritent une éducation de classe mondiale qui les prépare à devenir des adultes prospères, capables de guérir les divisions de notre pays au lieu de les aggraver», a déclaré le président de l’association.
Idem pour Amy Dru Stanley, spécialiste de l’esclavage et de l’émancipation, qui n’a pas hésité à condamner les nouvelles directives du conseil de l’éducation de Floride : «Les lignes directrices ressuscitent la défense pro-esclavagiste selon laquelle l’esclavage était un bien ; un bien positif ».
« Les mensonges selon lesquels les esclaves acquièrent des compétences précieuses en travaillant de manière déshumanisante et brutale pour leurs maîtres, et que le travail en plein air est bénéfique pour leur santé », a ironisé l’enseignante à l’université de Chicago.
Rappelons enfin que face à ce tollé soulevé contre cette batterie de réformes, Ron DeSantis a déclaré « ne pas avoir participé » à la rédaction du nouveau matériel pédagogique entré en vigueur cette semaine. Toutefois, il a exprimé son soutien au programme établi, affirmant être convaincu que « les esclaves ont développé des compétences qui, dans certains cas, pouvaient être appliquées pour leur bénéfice personnel ». A moins de considérer que le travail en plein air dans des conditions inhumaines soit bénéfique pour leur santé. Heureusement que le ridicule ne tue pas.