Les chiffres du chômage restent décidément alarmants. Ils sont même à un niveau sans précédent. On parle beaucoup du chômage des diplômés, sauf qu’il est désormais quelque peu désuet d’en parler, puisque le système fait que tout le monde est diplômé, abstraction faite, bien sûr, de ceux qui se sont illégalement infiltrés dans l’administration avec de faux diplômes. Il paraît même que le phénomène est assez grave et que c’est désormais la première des priorités de notre gouvernement.
Pour revenir à la question du chômage, les jeunes suivent presque tous un cursus, sauf que les cursus ne mènent que très rarement à l’emploi. Il est très gratifiant pour l’ego national d’aligner les chiffres hyperboliques des bacheliers par an. Et cela s’arrête à ce niveau. La nation et les parents ont en effet consenti d’énormes sacrifices pour que tout ça mène à ça. Ceux qui, le bac en poche, cherchent désespérément la bonne filière à suivre en savent quelque chose.
Bien sûr, nous allons avoir encore droit cette année à un plan stratégique pour l’enseignement supérieur, réputé être la clef de voûte et la quintessence de notre vision prospective du développement par l’école. L’existence d’une « stratégie » montre, a minima, que nous sommes conscients que les décisions à la petite semaine ne suffisent pas. On annonce, à ce propos, une consultation nationale relative à une éventuelle réforme de l’enseignement pour le 15 septembre prochain, le jour même du début de l’année scolaire. C’est bon à savoir, même si, lors de la Journée du Savoir, le Président de la République nous fait aussi savoir que l’intelligence artificielle est un danger qui menace l’humanité. Et dire, en parlant de chômage, que l’IA est le métier de l’avenir.
Mais qu’à cela ne tienne. L’intérêt plus que surfait du moment serait centré ailleurs. La question existentielle depuis la nomination d’un nouveau chef du gouvernement serait de savoir s’il va y avoir un remaniement ministériel. Comme la valse hési- tation autour de cette question tout à fait oiseuse dure depuis quelques jours, il ne reste à se mettre sous la dent que les rumeurs des cafés. Pour l’histoire, ces élucubrations n’ont manifestement pesé d’aucun poids dans les priorités du nouveau chef du gouvernement, dont la première décision pour essayer de sauver le navire était de déléguer sa signature. Et comme, par ailleurs, nos députés se désintéressent dans leur majorité de tout ce qui ne relève pas de leur nombril, nous marchons sur la tête, une autre manière de dire que nous sommes en train de réfléchir comme des pieds.
Il n’y a aucune outrance à rappeler ces constats. D’ailleurs, nos partenaires bienveillants, venus d’Italie et d’ailleurs, ne tiennent aucun compte des remaniements et des états d’âme des uns et des autres. Et c’est de bonne guerre, puisque nous sommes de fait en guerre contre la faillite de l’Etat et la banqueroute qui en résulterait. Tous les clignotants sont au rouge, quand nous en sommes aux discussions sur le sexe des anges. Les anges sont asexués, et le diable est dans les détails.
Le foot en donne des exemples significatifs tous les jours, puisque les indélicatesses présumées d’un président de club préoccupent plus le commun des mortels, au moins en apparence, que ces discours à la petite semaine d’une démocratie, s’il en reste, qui se mord la queue. Du coup, on ne voit plus très bien pourquoi la chose publique intéresserait outrageusement le Tunisien moyen, celui qui galère chaque jour pour trouver du pain et qui entend dire, en faisant la queue, que le piment vert, en pleine saison, est à sept dinars tout en craignant qu’en rentrant à la maison il trouve l’eau ou l’électricité coupé.
On sait depuis longtemps que les fictions les plus sombres dépassent de loin la réalité.
Cet article est disponible dans le Mag de l’Economiste Maghrébin n 876 du 16 août au 13 septembre 2023