Le pape François a clôt ce matin du 23 septembre 2023 les « Rencontres méditerranéennes » à Marseille en encourageant les chefs religieux et les autorités civiles à contribuer à faire de la région méditerranéenne un « fondement de la paix » dans le monde, affirmant que la migration n’est pas une urgence mais une réalité de notre époque qui nécessite une sage prospective.
Depuis que le pape François a visité pour la première fois en juillet 2013 la petite île italienne de Lampedusa, destination principale des migrants cherchant à entrer en Europe, la question de la migration est la pierre angulaire de son pontificat.
Dix ans plus tard, en arrivant à Marseille, dans le sud de la France, François a de nouveau remis la question sous les projecteurs, en organisant un mémorial aux côtés de dirigeants de diverses confessions pour les migrants et les marins morts en mer, condamnant certaines des politiques anti-migrants strictes de l’Europe et en insistant sur une approche de solidarité qui respecte la dignité humaine.
La Méditerranée est un « miroir du monde » et « porte en elle une vocation globale à la fraternité, seule manière de prévenir et de surmonter les conflits », a-t-il déclaré lors des Rencontres méditerranéennes à Marseille.
Ces paroles figuraient parmi les points forts du long discours du pape François ce matin lors de la séance de clôture des Rencontres méditerranéennes d’une semaine au Palais du Pharo à Marseille, en présence du président français Emmanuel Macron.
Pendant sept jours, plus de 120 représentants d’Églises et de jeunes des cinq rives de la Méditerranée ont partagé les défis politiques, économiques et environnementaux actuels de la région, mais aussi leurs espoirs pour l’avenir, avec un accent particulier sur la crise actuelle de la migration.
Rappelant le caractère cosmopolite distinctif de Marseille, une « marée de peuples » qui « a fait de cette ville une mosaïque d’espoir, avec sa grande tradition multiethnique et multiculturelle », à l’image des nombreuses civilisations de la Méditerranée, le pape François a exprimé sa réflexion autour de trois aspects qui caractérisent la ville du sud de la France : la mer, le port et le phare.
La Méditerranée est « le début et le fondement de la paix »
Il a souligné que l’imbrication des conflits entre différentes civilisations, religions et visions dans la région dont on entend tant parler aujourd’hui ne doit pas nous faire oublier que ce que les Romains appelaient mare nostrum (notre mer) est depuis des millénaires « un lieu de rencontre ». Parmi les religions abrahamiques ; entre la pensée grecque, latine et arabe ; entre science, philosophie et droit ; et parmi bien d’autres réalités.
Ce « carrefour du Nord et du Sud, de l’Est et de l’Ouest, a déclaré le pape François, nous invite à opposer la division des conflits à la coexistence des différences » et en même temps « rassemble les défis du monde entier » d’aujourd’hui, y compris changement climatique.
«Au milieu de la mer de conflits d’aujourd’hui, a-t-il déclaré, nous sommes ici pour valoriser la contribution de la Méditerranée, afin qu’elle redevienne un laboratoire de paix. Car telle est sa vocation, être un lieu où différents pays et réalités pouvons nous rencontrer sur la base de l’humanité que nous partageons tous, et non sur la base d’idéologies contrastées ».
Écouter le cri des pauvres
Pour que la Méditerranée « redevienne un laboratoire de paix » dans le monde, au milieu de « la mer de conflits d’aujourd’hui » et de la résurgence des « nationalismes belliqueux », elle doit écouter le cri des pauvres.
« Le changement de direction dans nos communautés consiste à traiter {les pauvres} comme des frères et sœurs dont nous connaissons l’histoire, et non comme des problèmes gênants ; il s’agit de les accueillir et non de les cacher ; en les intégrant, et non en les expulsant ; en leur donnant de la dignité. »
Mare nostrum est devenue un cimetière pour les migrants
Notant que « la mer de la coexistence humaine est polluée par l’instabilité » même dans des villes européennes comme Marseille, confrontées à des tensions communautaires et à une criminalité croissante, le pape François a une fois de plus insisté sur le besoin urgent d’une plus grande solidarité, même pour prévenir l’anarchie.
« En effet », a-t-il déclaré, « le véritable mal social n’est pas tant l’augmentation des problèmes que la diminution des soins » pour les plus vulnérables: les jeunes qui sont des proies faciles de la criminalité, les familles effrayées, les personnes âgées, les enfants à naître, des personnes qui subissent violence et injustice en Afrique et au Moyen-Orient, y compris des chrétiens fuyant les persécutions, et des migrants qui perdent la vie en tentant de traverser la mare nostrum , devenue une « mare mortuum (une mer morte, ndlr), le cimetière des dignité. »
Pourtant, a noté le Pape, ceux qui risquent leur vie en mer n’envahissent pas, ils cherchent à être accueillis
Migration : pas une urgence, mais une réalité de notre époque
Réfléchissant sur la deuxième caractéristique de Marseille, grande ville portuaire ouverte sur la mer avec une histoire d’immigration et d’émigration, le pape François a déploré le fait que plusieurs autres villes méditerranéennes aient fermé leurs ports pour apaiser les craintes d’une prétendue « invasion » de migrants.
« Pourtant, a noté le Pape, ceux qui risquent leur vie en mer n’envahissent pas, ils cherchent à être accueillis ».
Quant à « l’urgence » dont beaucoup parlent, il a souligné que « le phénomène migratoire n’est pas tant une urgence à court terme, toujours propice à alimenter la propagande alarmiste, mais une réalité de notre époque, un processus qui implique trois continents autour du monde. Méditerranée et cela doit être gouverné avec une sage prévoyance.
Ici aussi, a-t-il souligné, « la Méditerranée est le miroir du monde », les pays les plus pauvres du Sud « en proie à l’instabilité, aux régimes, aux guerres et à la désertification » se tournant vers le Nord, plus riche.
Une fois de plus, le problème des disparités toujours croissantes entre les nantis et les démunis n’est pas nouveau, comme l’Église le dit depuis des décennies, a déclaré le Pape en rappelant l’encyclique « Populorum progressio » du pape Saint-Paul VI.
Accueillir, protéger, promouvoir, intégrer
Le pape François a reconnu « les difficultés liées à l’accueil, à la protection, à la promotion et à l’intégration des personnes inattendues ».
Cependant, a-t-il ajouté, « le critère principal ne peut pas être la préservation de son propre bien-être, mais plutôt la sauvegarde de la dignité humaine ».
Il a réitéré que face au fléau de l’exploitation des êtres humains, « la solution n’est pas de rejeter mais d’assurer, selon les possibilités de chacun, un nombre suffisant d’entrées légales et régulières » des migrants, en coopération avec leurs pays d’origine.
Le critère principal ne peut pas être la préservation de son propre bien-être, mais plutôt la sauvegarde de la dignité humaine
Il souligne en outre l’importance cruciale de l’intégration dans les pays d’accueil, qui, selon lui, ne signifie pas assimilation.
« Une assimilation qui ne tient pas compte des différences et reste rigidement figée dans ses propres paradigmes ne fait que faire prévaloir les idées sur la réalité et mettre en péril l’avenir, augmentant les distances et provoquant une ‘’ghettoisation’’, qui à son tour suscite l’hostilité et des formes d’intolérance », a-t-il déclaré.
Les jeunes : une lumière qui indique la voie de l’avenir
Il a ensuite souligné le rôle des jeunes comme « une lumière qui indique la voie de l’avenir » en Méditerranée, soulignant une fois de plus l’importance cruciale de l’éducation pour aider à surmonter les barrières et à vaincre les idées préconçues.
Il a notamment attiré l’attention sur l’université « comme laboratoire du rêve » et sur cette fureur, où les jeunes mûrissent « en se rencontrant, en se connaissant, en découvrant des cultures et des contextes à la fois proches et divers ».
« De cette façon, les préjugés sont démantelés, les blessures sont guéries et la rhétorique fondamentaliste est rejetée », a-t-il déclaré, ajoutant que l’Église peut certainement y contribuer en offrant ses réseaux éducatifs et en encourageant une « créativité de fraternité ».
Le pape déclare que les migrants en mer « doivent être secourus »
Lors d’un mémorial dédié aux marins et aux migrants le pape François a déclaré hier à Marseille « Les personnes qui risquent de se noyer lorsqu’elles sont abandonnées sur les vagues doivent être secourues », François a qualifié les efforts visant à empêcher le sauvetage des migrants de « gestes de haine ».
Les migrants d’Afrique et du Moyen-Orient montent souvent à bord de bateaux branlants vers l’Europe dans l’espoir d’une vie meilleure là-bas ou ailleurs. Pour beaucoup d’entre eux, le premier arrêt est souvent l’île italienne de Lampedusa. Récemment, l’île a été submergée par des milliers de migrants.
Cette belle mer est devenue un immense cimetière, où de nombreux frères et sœurs sont privés même du droit à une tombe
Souvent, les bateaux de migrants sont abandonnés en mer par leurs passeurs. Les groupes de secours se voient parfois interdire par certains pays européens de secourir les migrants ou sont retardés dans leurs missions de sauvetage.
« Et ainsi, cette belle mer est devenue un immense cimetière, où de nombreux frères et sœurs sont privés même du droit à une tombe », a déclaré vendredi François à propos de la mer Méditerranée, où des dizaines de milliers de migrants sont morts.
Un temple du football – et momentanément du rugby – transformé en cathédrale éphémère va recevoir cet après-midi quelque 60 000 personnes sont attendues ce samedi 23 septembre au stade Vélodrome pour la messe que le pape doit célébrer au deuxième jour de sa visite historique à Marseille. Une messe à laquelle assistera Emmanuel Macron.
Le souverain pontife procédera d’abord à une déambulation en papamobile le long du Prado, grande avenue de Marseille désormais pavoisée aux couleurs jaune et blanche du Vatican, à laquelle 100 000 autres personnes sont attendues