Les Banques centrales des Émirats arabes unis (EAU) et de l’Égypte ont conclu, jeudi 28 septembre 2023, un accord d’échange de devises, qui pourrait soutenir une économie égyptienne en difficulté.
Selon un communiqué de presse conjoint publié, l’accord permettrait aux deux institutions d’échanger jusqu’à cinq milliards de dirhams émiratis et 42 milliards de livres égyptiennes, soit environ l’équivalent de 4,3 milliards de dinars tunisiens.
Abu Dhabi ne lâche pas Le Caire
Les accords d’échange de devises sont généralement mis en œuvre lorsque les pays cherchent à soutenir les Banques centrales et nationales en leur fournissant des liquidités supplémentaires sous la forme d’une devise étrangère.
Les gouverneurs ont tous deux déclaré que l’accord renforcerait la coopération entre les deux pays alliés, mais ils ont donné peu de détails supplémentaires sur l’accord.
La livre égyptienne a perdu plus de 50% de sa valeur par rapport au dollar au cours des 18 derniers mois, et le pays souffre d’une pénurie de devises étrangères. L’Égypte est le premier importateur mondial de céréales. Ses approvisionnements proviennent traditionnellement d’Europe de l’Est, et elle a donc été durement touchée par les retombées de la guerre en Ukraine.
Le mois dernier, le taux d’inflation annuel s’est élevé à 39,7%. Il a doublé sur une année.
Il semble, une fois de plus, que les EAU apportent un soutien financier à l’Égypte. Avec les autres pays du Golfe, ils ont injecté plus de 100 milliards de dollars dans ce pays sous différentes formes. Ils ont mis des dépôts à la Banque centrale, octroyé des aides au carburant et investi dans des centaines de projets.
Un modèle pour la Tunisie ?
L’idée est bonne, puisqu’elle préserve des devises. Pour la Tunisie, rares sont les pays avec lesquels elle pourra se lancer dans une telle démarche au vu des faibles volumes d’échanges. A plusieurs reprises, le sujet de l’utilisation du dinar tunisien en Algérie et en Libye, et vice-versa, a été évoqué dans le cadre de zones de libre-échange. Sur le terrain, nous ignorons comment cela se passe.
Avec Tripoli, ce n’est pas en notre faveur, puisque nous affichons une balance commerciale largement excédentaire. Mais avec Alger, c’est très intéressant. Avec le nombre de visiteurs algériens qui traversent les frontières chaque année et nos importations colossales de carburants de ce pays, la facture pourrait être significativement allégée.
Avec la Turquie également, cela serait bénéfique. Des dizaines de milliers de Tunisiens partent chaque année vers ce pays, à des fins touristiques et commerciales. Echanger du dinar et de la lire sera bénéfique pour nous. Nous ne pensons pas qu’Ankara, qui cherche également à remonter sa devise, accepterait une telle proposition.
Casse-tête chinois
Pour la Chine, avec qui nous avons un trou noir commercial, il est inutile de penser à une telle piste. Pékin n’a aucun intérêt à détenir des dinars. Il convient plutôt de négocier la conversion d’une partie du déficit en investissements directs. C’est le seul moyen de réussir plusieurs objectifs d’un seul coup.
Primo, cela donnera l’opportunité d’impliquer davantage les Chinois dans des projets d’infrastructures (routes, barrages, grands œuvres) qui nécessitent la mobilisation de grandes sommes et qui n’ont qu’un rendement à long terme.
Secundo, nous allons pouvoir diversifier nos partenariats et ouvrir des secteurs à la concurrence. Cela aura un effet positif sur les coûts et sur le transfert de connaissance.
Tertio, cette démarche est politiquement judicieuse. L’Union européenne, qui exerce, en vain, beaucoup de pression sur Carthage sur le sujet des politiques migratoires et des droits de l’Homme, n’a pas envie de voir les relations sino-tunisiennes se développer davantage. Tunis se rapproche déjà de Moscou et cette tendance n’est pas dans l’intérêt des pays du nord de la Méditerranée.
Il y a des cartes à jouer sur les plans économique et politique. Il suffit de bien les utiliser pour tirer le maximum de bénéfices.