Alors que la machine qui vise à renvoyer tous ceux qui ont illégalement rejoint l’administration tunisienne commence à tourner, personne ne sait encore les conséquences de cette décision.
Beaucoup la sous-estiment et ne croient pas aux statistiques présumées à trois chiffres de milliers de fonctionnaires. Nous pensons que le nombre final sera choquant et montrera à quel point la corruption est ancrée dans les pratiques tunisiennes.
Une première couche de conséquences
Ceux qui seront renvoyés risquent gros, y compris l’obligation de restituer les rémunérations reçues, de voir les cotisations sociales annulées et d’être renvoyés devant les tribunaux compétents. Et comme c’est l’argent de l’Etat qui est en jeu, il sera difficile d’y échapper.
Socialement, c’est une bombe car des familles seront, tout simplement, explosées. Certes, elles ont été injustement fondées sur la base de revenus qui n’auraient du pas être encaissés; mais cela va être pénible de voir cette dégringolade sociale.
Les administrations seraient allégées, à différents degrés et il n’est pas certain que cela ouvrira la porte à de nouveaux recrutements. Nous pensons que cela ne sera que partiel et limité, axé sur les besoins réels et les profils indispensables. L’idée fondamentale est d’atteindre une taille humaine de l’outil opérationnel de l’Etat et ses charges qui consomment la moitié de ses recettes fiscales.
D’autres part, il faut s’attendre à de vives contestations de la part des concernés. Plus l’effectif est important, plus il est attendue qu’elles prennent des formes plus sensibles. Néanmoins, le sentiment général n’est pas en leur faveur. Même ceux qui sont anti Saïed n’oseraient rien dire du moment qu’il s’agit d’une demande partagée par tous les partis politiques. La nouveauté est qu’enfin, celui qui est au pouvoir va effectivement lancer le grand nettoyage.
Les banques touchées?
Parmi les effets indirects, il y a ceux qui seront observés au niveau du secteur bancaire. La majorité absolue des fonctionnaires potentiellement concernés ont certainement accès à des financements bancaires. Quel ministère ou entreprise publique n’a pas de conventions avec au moins un établissement de crédits pour faire bénéficier ses agents de conditions préférentielles? Cette gamme de clients est très appréciée vu qu’elle est l’équivalent de l’actif sans risque du côté des particuliers.
Ceux qui ont obtenu un financement immobilier ont un actif qui peut servir à payer. Malgré cela, ce n’est pas évident de le gérer. Imaginons qu’il y aura 5 000 appartements à liquider qui vont apparaître soudainement sur le marché secondaire. Quel serait l’impact sur le prix d’un petit marché comme le nôtre? Pour ceux qui ont des crédits à la consommation, la situation est un peu plus compliquée.
Selon les dernières statistiques, l’encours des prêts octroyés par les banques et destinés à l’achat de véhicules s’est élevé à 392,777 MTND fin juin 2023. Les crédits à la consommation se sont accrus de 102,626 MTND depuis le début de l’année pour atteindre 4 584 MTND.
A cela, il faut ajouter les débits des comptes qui permettent à la majorité écrasante des Tunisiens de boucler leurs fins de mois.
Même les fonctionnaires deviendront une classe de clients à risque pour les établissements de crédits. Apparemment, pour s’en échapper, il faudra désormais ajouter l’original du diplôme à son dossier de financement ou apporter une garantie.
L’affaire des faux diplômes et des recrutements non conformes à la réglementation est, à notre avis, une réalité beaucoup plus amère que plusieurs ne le pensent. Au bout de quelques semaines, nous aurons les premières conclusions des travaux en cours. Nous y reviendrons.