« Quand on travaille avec les nations (africaines. NDLR), on doit le faire avec respect et d’égal à égal, dans le cadre d’un partenariat stratégique. Nous ne pouvons pas dire à la Tunisie que nous vous payons pour arrêter la migration irrégulière; alors que ce pays fait aussi face lui-même, à ce problème ». C’est ce qu’a déclaré la présidente du Conseil italien, Giorgia Meloni, mercredi 4 octobre à Sky Italia. Un discours qui va droit au cœur de Kaïs Saïed, dont la promiscuité avec la dirigeante italienne sur le dossier de l’immigration clandestine est évidente.
Dans son bras de fer avec la l’Union européenne, Kaïs Saïed semble avoir trouvé une alliée de poids en la personne de Giorgia Meloni. La preuve? La présidente du Conseil italien a réagi sur le champ au coup de menton du chef de l’Etat tunisien. Ce dernier, altier, vient de rappeler haut et fort que « la Tunisie accepte la coopération, mais pas la charité ou l’aumône ». Tout en ajoutant que son pays et son peuple « ne veulent pas de la pitié, mais exigent le respect ».
Paternalisme
Ainsi, dans une interview accordée à Sky Italia, mercredi 4 octobre en cours, Giorgia Meloni n’a pas caché qu’elle partage l’approche de son homologue tunisien concernant les rapports entre les deux rives de la Méditerranée. Elle avoue que le président tunisien « ne dit rien de différent de ce que l’Italie soutient déjà ». En estimant à l’occasion que « les rapports avec les pays africains doivent changer. Car nous avons eu avec ces pays une approche paternaliste, comme si nous étions supérieurs. Et ce n’est pas la bonne façon de traiter ce problème ».
Prise de conscience salutaire de la part d’une dirigeante européenne ? « Quand on travaille avec ces nations on doit le faire avec respect et d’égal à égal dans le cadre d’un partenariat stratégique. Nous ne pouvons pas dire à la Tunisie que nous vous payons pour arrêter la migration irrégulière, alors que ce pays fait face lui-même, à ce problème » reconnait non sans courage la dirigeante italienne.
Accents tiers-mondistes
Et d’ajouter avec lucidité : « Si l’arrêt de la migration illégale était notre seule préoccupation, la Tunisie va se retrouver face à un problème que je ne veux pas en Italie, et donc on ne doit pas nous décharger sur les autres. Si nous sommes en mesure d’avoir, avec ces pays, une coopération fructueuse à base d’investissements et de croissance au profit de toutes les nations qui font part de ces accords, nous devons raisonner autrement et non de manière verticale ». Et Mme Meloni d’asséner : « C’est cela que dit le président Saïed et je partage (sa vision des choses NDLR). Car autrement, nous n’affronterons jamais sérieusement ce problème ».
La dirigeante du parti d’extrême droite Fratelli d’Italia tiers-mondiste convaincue? « L’Afrique est un continent potentiellement très riche, qui pourrait vivre de ses ressources. Et le défi européen est de déployer des moyens permettant à l’Afrique de « vivre de ce qu’elle a ».
Polémique
D’autre part, et dans le cadre des relations en dents de scie entre la Tunisie et Bruxelles, il est à souligner que dans un communiqué du 4 octobre 2023, le ministère des Affaires étrangères a affirmé que la Tunisie n’a pas donné son accord au sujet du décaissement de soixante millions d’euros de la part de l’Union européenne. La présidence de la République ayant refusé cette aide, selon la même source.
La réaction de la porte-parole de la Commission européenne, Anna Pisonero fut immédiate. Puisqu’elle affirma lors d’une conférence de presse tenue le jour même où le ministère des Affaires publia son communiqué, que « la Commission a effectivement procédé au versement de 60 millions d’euros de subventions à la Tunisie; suite à une demande du gouvernement tunisien formulée le 31 août. Cette aide, à hauteur de 127 millions d’euros, se compose de 60 millions versés en guise d’aide budgétaire et 67 millions dans le cadre d’un pack d’assistance opérationnelle pour appuyer la coopération avec la Tunisie en matière de lutte contre la migration irrégulière ».
Alors, comment expliquer la fin de non-recevoir de la somme jugée dérisoire de 60 millions d’euros de la part des autorités tunisiennes?
Tout porte à croire que le Président tunisien est persuadé que son pays aura rempli son contrat dans la lutte contre la migration irrégulière, sans pour autant être récompensé en retour. Par contre, le mémorandum d’accord sur la migration signé en juillet dernier entre la Tunisie et l’UE et qui prévoyait une aide financière européenne d’un peu plus de 1,1 milliard d’euros, est sujet d’atermoiements et d’indécisions de la part des autorités de Bruxelles. La somme de 60 millions d’euros étant jugée « humiliante » par le locataire du palais de Carthage en est la preuve.
« La Tunisie rejette ce qui a été annoncé ces derniers jours par l’Union européenne. Non pas en raison du montant en jeu, car toutes les richesses du monde ne valent pas une once de notre souveraineté; mais parce que cette proposition contrevient à l’accord signé à Tunis et à l’esprit qui a prévalu lors de la conférence de Rome en juillet dernier ». Ainsi martelait Kaïs Saïed dans un communiqué publié dans la soirée du lundi 2 octobre.
Affaire à suivre.