De cet événement grandiose, à Bizerte les Tunisiens qui l’ont vécu ou qui en ont entendu parler à travers ce qui leur a été raconté notamment par les médias ne peuvent pas ne pas retenir trois faits saillants.
La Tunisie célèbre en ce 15 octobre 2023 le 60e anniversaire de l’évacuation de la ville de Bizerte par les troupes françaises. Une évacuation mettant fin à 82 ans de colonisation française de la Tunisie commencée en 1881. La Tunisie a obtenu certes son indépendance en 1956, mais la France est restée cependant jusqu’en 1963 dans la base militaire de Bizerte considérée comme un carrefour névralgique.
La bataille de Bizerte, qui a abouti à l’évacuation de sa base militaire, a officiellement commencé au cours de l’été 1961, soit pratiquement deux ans avant l’évacuation. Bien avant, estiment cependant nombre d’historiens qui insistent pour rappeler les propos tenus par le premier président de la République tunisienne, Habib Bourguiba, le 22 mars 1956, soit deux jours après l’indépendance de la Tunisie : « Après une période transitoire, toutes les forces françaises devront évacuer la Tunisie, y compris Bizerte ». Il avait ainsi annoncé, comme on dit, la couleur.
La bataille de Bizerte, qui a abouti à l’évacuation de sa base militaire, a officiellement commencé au cours de l’été 1961, soit pratiquement deux ans avant l’évacuation.
De cet événement grandiose, les Tunisiens qui l’ont vécu ou qui en ont entendu parler à travers ce qui leur a été raconté notamment par les médias ne peuvent pas ne pas retenir trois faits saillants. D’abord, l’évacuation, vers 15 h 16’, le 15 octobre 1963, du dernier soldat français du quai de Bizerte (notre photo). Une impression de vide a suivi ce départ. La veille, précisent des témoins, « trois cargos, douze navires de guerre, un porte-avions, trois mille hommes et des tonnes de matériel attendaient d’être embarqués ».
Ensuite, le chant, largement diffusé à la radio, de la cantatrice Oulaya, portant les couleurs nationales, « Béni Watany ». Un chant composé par Chedly Anouar d’après un poème d’Abdelmajid Ben Jeddou.
Enfin, le 15 décembre 1963, lorsque le président Bourguiba célèbre, à Bizerte, l’évacuation des troupes françaises en compagnie des présidents égyptien, Jamel Abdenasser, et algérien, Ahmed Ben Bella, le prince héritier du trône libyen, Sidi Hassan Ridha El-Senoussi, et d’un représentant du Roi du Maroc, Hassan II (notre photo).
« Les travaux violent le statu quo »
En fait, la crise de Bizerte qui a conduit à l’évacuation de la base navale par les troupes françaises a commencé le 4 mai 1961 lorsque « l’amiral français, qui dirige la base stratégique de Bizerte, Maurice Amman, annonce au gouvernement tunisien le lancement de travaux d’agrandissement de la piste d’atterrissage de Sidi Ahmed ». Réaction de la Tunisie qui soutient que « les travaux violent le statu quo ». S’ensuivent de nombreux événements qui ne vont pas faire baisser la tension entre la Tunisie et la France.
Certains sont d’une première importance et vont accélérer le départ des troupes françaises. Comme lorsque, le 20 juillet 1961, l’armée tunisienne attaque avec des grenades incendiaires l’arsenal de Sidi Abdallah ou procède au mitraillage d’hélicoptères français. C’est au cours de ces événements que la Tunisie perd l’un de ses vaillants militaires, le commandant Mohamed Bejaoui, qui est tué, le 21 juillet 1961, « dans les rues de Bizerte, les armes à la main » (notre photo). Des manifestations ont alors lieu dans toute la Tunisie pour demander le départ des soldats français.
C’est au cours de ces événements que la Tunisie perd l’un de ses vaillants militaires, le commandant Mohamed Bejaoui, qui est tué, le 21 juillet 1961, « dans les rues de Bizerte, les armes à la main ».
« Pulvériser Bizerte et Moscou à la fois »
Une riche littérature sur cette bataille de Bizerte raconte des péripéties que les historiens ont mises en exergue. Dont ce qui ressemble à un revirement du Général de Gaulle, qui présidait alors aux destinées de la France. Ainsi, après avoir déclaré, le 19 juillet 1962, devant le militant et secrétaire d’Etat tunisien à la Défense, Bahi Ladgham, au Palais de l’Elysée, que « les forces armées quitteront la Tunisie, sans contrepartie ni esprit de retour, la date devant être fixée dans 18 mois », il se rétracte, le 25 juillet 1962, en soulignant que « la France évacuera Bizerte le jour où elle en aura les moyens ». Ce même de Gaulle, qui aurait dit, en avril 1963 : « Maintenant, rien ne s’oppose à ce que nous partions. Nous commençons à disposer d’engins nucléaires. Nous allons être capables de pulvériser Bizerte et Moscou à la fois » (voir Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle, tome I, La France redevient la France, Paris, De Fallois/Fayard, 1994, 598 pages).
La diplomatie jouera un rôle central dans cette bataille de Bizerte qui passera, entre autres, devant les instances des Nations unies. C’est d’ailleurs le Conseil de sécurité de l’ONU qui décide, les 21 et 22 juillet 1962, « le retrait des troupes françaises ».