La pandémie de Covid et les mesures de relance politique sans précédent ont stimulé l’activité manufacturière au-delà des niveaux tendanciels. Avec les confinements et les mesures de distanciation sociale, un changement temporaire du comportement des consommateurs et des modèles de dépenses au détriment des services a conduit à une demande mondiale exceptionnelle de biens matériels. À la fin de la pandémie, avec la normalisation des politiques et des activités économiques, l’industrie manufacturière a commencé à s’affaiblir et les perspectives se sont progressivement assombries avec la reprise de la demande de services. Cette situation s’est bien reflétée dans la structure des volumes du commerce mondial, qui suit de près l’évolution de l’activité manufacturière.
Volumes du commerce mondial
(indice 2010=100, corrigé des variations saisonnières)
Source: Bureau d’analyse de la politique économique, QNB Economics
Il est important de noter que la faiblesse de l’industrie manufacturière se manifeste dans toutes les grandes économies depuis plusieurs mois. Les données publiées récemment montrent que l’industrie manufacturière s’est contractée aux États-Unis, en Chine et dans la zone euro, avec des conditions particulièrement négatives dans cette dernière, où les indicateurs d’activité suggèrent une contraction profonde. Les indices des directeurs d’achat (PMI) pour l’industrie manufacturière illustrent bien ces conditions. L’indice PMI est un indicateur basé sur une enquête qui mesure l’amélioration ou la détérioration de l’activité économique. Un niveau d’indice de 50 sert de seuil pour séparer les conditions commerciales en contraction (en dessous de 50) de celles en expansion (au-dessus de 50).
Dans cet article, nous examinons trois facteurs principaux qui contribuent à expliquer la « récession manufacturière mondiale » actuelle.
Indicateurs PMI de l’activité manufacturière
(50: seuil séparant les contractions des expansions)
Source: Enquêtes IHS Markit auprès des directeurs d’achat, QNB Economics
Comme indiqué précédemment, les déséquilibres de la demande dus au comportement inhabituel des consommateurs après le choc de la pandémie ont conduit à la récente période de faiblesse prolongée de l’activité manufacturière. La demande de biens, tels que l’électronique, les voitures, l’immobilier et l’équipement de construction de maisons, a été » poussée vers l’avant « , car leur utilité s’est accrue pendant les périodes de fermeture. Toutefois, la fin de la pandémie a entraîné une augmentation des dépenses de services « réprimées » et un rééquilibrage des tendances de consommation antérieures. En outre, étant donné que la consommation de biens a été » poussée vers l’avant » pendant la pandémie, il y a naturellement une longue période de baisse de la demande.
En outre, le choc d’approvisionnement créé par le conflit russo-ukrainien a été particulièrement négatif pour l’industrie manufacturière européenne. La moindre disponibilité de l’énergie à des prix plus élevés pèse sur la compétitivité industrielle, notamment des pays les plus exposés, comme l’Allemagne. Dans la zone euro, les derniers chiffres publiés montrent que la production industrielle est inférieure de 4 % à son niveau record de décembre 2021. En Allemagne, des vents contraires structurels tels qu’une fiscalité élevée, des pénuries de main-d’œuvre et un manque d’investissement dans les infrastructures se sont ajoutés à la crise de l’énergie pour provoquer un ralentissement brutal de l’activité manufacturière. En fait, la production industrielle allemande n’a jamais retrouvé ses niveaux d’avant la pandémie : elle est actuellement inférieure de 7,4 % à son niveau de février 2020 et maintient une tendance à la baisse qui a commencé en 2017.
Le ralentissement économique de la Chine affaiblit son rôle de moteur de la croissance mondiale, ce qui est particulièrement important pour l’industrie manufacturière. Au cours des quatre décennies 1980-2019, la croissance économique de la Chine a été en moyenne de 9,5 % par an, mais le rythme des deux dernières années a été beaucoup plus faible, avec une croissance de 3 % l’année dernière et d’environ 5,5 % attendue pour cette année. La vigueur de l’économie chinoise est importante pour l’industrie manufacturière mondiale, compte tenu de son influence à travers les liens de la chaîne d’approvisionnement, de la soif de produits de base importés et de l’influence croissante des flux d’investissement dans les marchés émergents influencés par la Chine. Les liens commerciaux avec la Chine, par exemple, sont vitaux pour de nombreux autres marchés émergents, en particulier en Asie du Sud-Est, mais aussi pour certaines économies avancées en Europe, comme l’Allemagne, la France et les Pays-Bas. Compte tenu de l’importance de l’économie chinoise, son ralentissement a constitué un important vent contraire pour l’industrie manufacturière mondiale au cours des derniers mois.
Dans l’ensemble, l’industrie manufacturière mondiale a été affectée par un rééquilibrage de la consommation au détriment des biens, par des chocs d’offre négatifs en Europe et par la ralentissement de l’économie chinoise.
D’après communiqué