La couverture des médias occidentaux de la guerre de Gaza, même s’il ne faut pas généraliser, laisse rarement les Tunisiens insensibles sur des pratiques journalistes contraires aux valeurs défendues par plus d’un média européen et nord-américain. Analyse.
Articles de presse, émissions de radio et de télévision, débats de rue ou encore discussions de comptoir, la couverture des médias occidentaux sur la guerre de Gaza enflamme la rue tunisienne. Le pays est largement connecté et regarde beaucoup les télévisions et les radios étrangères, notamment grâce aux abonnements en sharing à bas prix.
Il est du reste rare qu’un café, une boutique ou un tout autre lieu public ne suive pas en direct le déroulement de la guerre de Gaza. Et les Tunisiens se plaignent, et le font savoir, d’une couverture biaisée des médias occidentaux qui, dans l’esprit de beaucoup, ont dès le début pris parti concernant une version des faits en faveur d’Israël (Voir notre photo). Quelquefois en totale concordance avec l’humeur de leurs gouvernants. Oubliant, comme l’a souligné un chroniqueur sur une télévision des pays du Golfe arabe, ce qu’ils ont reproché auparavant à Israël, jusqu’à le condamner, concernant les atteintes aux droits des Palestiniens.
Et même s’il ne faut point généraliser, la couverture que l’on ne cesse d’observer est loin d’être conforme à ce que les journalistes occidentaux ont souvent défendu. Au travers jusqu’à leurs “chartes éditoriales“. Notamment les règles largement connues dans les rédactions. A savoir la distance par rapport aux faits et aux acteurs de l’actualité, ou encore la nécessaire vérification des faits, l’objectivité, la précision, etc.
La couverture de certains médias occidentaux de la guerre de Gaza a ajouté une pierre dans un édifice explosif qui ne pourra que marquer les relations du monde dit libre avec des pans entiers du monde arabo-musulman. Celui de l’incompréhension, de l’incrédulité et de l’appréhension.
Dérives
Des pratiques sont, à ce stade, bien loin de ce que les journalistes défendent comme valeurs et enseignent lorsqu’ils viennent professer dans les écoles de journalisme dans le monde arabe. On a vu ainsi sur une chaîne française, du reste connue pour ses penchants d’extrême-droite, un chroniqueur pleurer à chaudes larmes.
Pourquoi s’en étonner? On sait, à ce niveau, que les philosophes Noam Chomsky et Edward S. Herman avaient averti dans leur célèbre « La fabrication du consentement » (Editions Contre-Feux Agone, 2008, 672 pages, la version française) sur les dérives de la presse dans les pays démocratiques. Leur livre, publié déjà en 1988 (version anglaise), a mis en exergue, à travers une suite de cas, le fait que les médias « diffusent avant tout une propagande au bénéfice d’un groupe dominant » (sic).
Les philosophes Noam Chomsky et Edward S. Herman, avaient mis en exergue, dans leur célèbre « La fabrication du consentement », à travers une suite de cas, le fait que les médias « diffusent avant tout une propagande au bénéfice d’un groupe dominant » (sic).
« Un cinquième pouvoir »
Une réalité qui a fait dire au journaliste argentin Ignacio Ramonet, dans un article publié en octobre 2003, dans le célèbre mensuel Le Monde Diplomatique, qu’il faut instituer un « Cinquième pouvoir ». Un pouvoir qui viendrait contrôler et le quatrième pouvoir, les médias, « devenus instruments de mensonges, pollués par les rumeurs, par les déformations, les distorsions et les manipulations » (sic).
Une chose, cela dit, est sûre : la couverture de certains médias occidentaux de la guerre de Gaza a ajouté une pierre dans un édifice explosif qui ne pourra que marquer les relations du monde dit libre avec des pans entiers du monde arabo-musulman. Celui de l’incompréhension, de l’incrédulité et de l’appréhension. Qui ne peuvent pas préparer de bonnes relations. Loin s’en faut. Des intellectuels ont déjà averti sur cette question. En notant que les médias occidentaux, et même s’il ne faut pas encore une fois généraliser, pratiquent deux journalismes : celui plus ou moins honnête lorsqu’il s’agit des affaires de leur pays et un autre exécrable lorsque cela concerne les autres.