La bourde. Voilà des députés qui ont raté l’occasion de faire ce qu’on leur demande, à savoir ne rien faire. Ils voulaient criminaliser la normalisation avec Israël, voilà qu’on les incrimine de vouloir torpiller la vision du président de la République pour qui il n’y avait pas lieu de parler de criminalisation de la normalisation, mais plutôt de libération de la Palestine.
La « hchouma » pour ces élus du peuple, qui pensaient traduire « la volonté du peuple » sans savoir que l’Etat a ses volontés que le commun des députés ne peut comprendre. Il est d’ailleurs un fait remarquable :à Bardo nos députés, comme chacun des Tunisiens, semblent tout savoir sur les secrets bien gardés et les positions les mieux cachées sur les opérations de la Résistance à Gaza et comment anéantir l’ennemi israélien. Les diatribes « héroïques » au Parlement et ailleurs détricotent avec constance les habits de la révolution advenue pour le mieux-être. Encore une affaire qui vient de mettre à nu les incompétences des uns et les égoïsmes des autres.
Par temps de crise, le drapeau palestinien ne suffit pas à guérir le corps politique, surtout quand l’air est vicié. Cela dit, et avec le revers que vient d’avoir le pouvoir législatif, la confiance, qui n’est déjà pas très forte entre les différents protagonistes politiques, ne pourra que s’effriter encore plus, si cela pouvait être encore possible. La conjoncture nationale, à tous points de vue, et les aléas internationaux nécessitent la plus grande stabilité. Mais il n’est pas nécessaire d’être grand clerc pour savoir que la stabilité est fille ainée de la confiance. Les dernières élections, aussi désavouées qu’elles étaient, ont certes permis de remplir les cases des charges politiques, il n’en reste
pas moins que les élites partent à l’étranger et que les entrepreneurs n’entreprennent plus vraiment. Pour une raison principale : le délitement de la confiance.
Comment, d’ailleurs, ne peut-on s’interroger sur les carences d’un système où cinq terroristes, dont deux impliqués dans les assassinats politiques de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, fuient la prison civile de la Mornaguia, l’une des prisons les mieux sécurisées du pays ? Cela ne rassure point. Un point à la ligne. C’est vrai que le président de la République s’est exprimé en assurant qu’il s’agissait d’une exfiltration par des Sionistes. Pas moins que ça, même si
aucune version officielle n’est venue étayer l’affaire et nous dire comment ces Sionistes, embourbés qu’ils sont à Gaza, ont réussi à s’infiltrer jusqu’à la prison de la Mornaguia, faire évader cinq terroristes pour les lâcher ensuite dans la nature. C’est que, si c’est vrai et sans douter des propos du président de la République, la moindre des choses est que les ministères concernés nous donnent de plus amples détails sur cette opération ainsi que les noms des agents sionistes et agents tunisiens présumés impliqués dans cette affaire. Or, et à moins qu’on considère les Tunisiens impropres à la vérité, l’omerta autour de cette affaire pourrait pousser vers un chaos total et un tourbillon de doutes.
Déjà que l’État est pris dans une spirale de «complotistes» et d’instrumentalisation politique ! Son mutisme sur ce qui semble être une vraie affaire de complot contre la sûreté de l’Etat ne fera que saper encore plus sa crédibilité.
C’est connu, un train peut en cacher un autre. Il semble que l’adage est aussi vrai pour les bourdes. Il faut dire aussi qu’entre Le Bardo et la Mornaguia, le chemin est court. Certains députés en savent quelque chose.
Cette chronique a été publiée dans le numéro 881 de l’Economiste Maghrébin du 8 au 22 novembre 2023