Si l’offensive israélienne à Gaza est particulièrement meurtrière, cela est lié à une double raison : d’une part, la guerre opposant Israël et le Hamas est asymétrique; d’autre part, les belligérants sont à l’origine de crimes de guerre.
Le conflit asymétrique, en particulier, oppose l’action diffuse à la domination (quantitative et qualitative des forces) du plus puissant. Cette situation correspond le plus souvent à l’action d’une armée conventionnelle – ou d’une coalition d’armées, essentiellement occidentales – contre une entité (para)étatique affaiblie (Afghanistan en 2001, Irak en 2003, Libye en 2011) ou une entité non-étatique (Al-Qaeda, Daech…) du Sud, suivant des modes d’intervention et des objectifs qui relèvent plus de l’opération de police que de la guerre.
Une guerre asymétrique
D’un côté, Israël est doté d’une puissance militaire et technologique sans égale dans la région. L’armée israélienne est la première au Moyen-Orient et devance largement toutes les armées arabes. Israël peut aligner plus de 3 000 chars de combats dont les fameux Merkava, environ 500 avions de combats, des centaines d’hélicoptères et des centaines de drones. L’Armée de l’air israélienne garantit la capacité de bombardements aériens sur Gaza. La défense israélienne se caractérise par sa haute technologie. Israël investit massivement dans la sécurité, y compris dans le domaine technologique.
De l’autre cotée, considérée comme une organisation terroriste en Occident, le Hamas appartient de manière plus formelle à la catégorie générique des « groupes armés non étatiques ». Au-delà de son identité propre d’organisation islamiste palestinienne dotée à la fois d’une branche politique et d’une branche militaire, le Hamas est en effet un « groupe armé non étatique » qui poursuit (ou prétend poursuivre) des objectifs politiques.
Dans les conflits armés non interétatiques, le droit international pose des critères afin de pouvoir qualifier certains acteurs de « groupes armés organisés » (et leur appliquer ainsi un régime juridique particulier). Le Protocole additionnel aux Conventions de Genève (de 1949) relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux (Protocole II signé en 1977) reconnaît les « forces armées dissidentes ou des groupes armés organisés », qui affrontent des forces armées régulières (étatiques) ou qui se battent entre eux sur le territoire d’un ou plusieurs Etats.
La même source ajoute certaines caractéristiques liées à l’organisation interne dudit groupe armé, notamment : l’existence d’un commandement, l’exercice d’une autorité ou d’un contrôle sur une partie du territoire de l’Etat, qui permet au groupe de mener des opérations militaires continues et concertées. Si durant la période de la décolonisation, ce type d’entité était incarné par les branches armées des mouvements de libération nationale (exemple de l’« Armée de libération nationale », branche armée du « Front de libération national » algérien, elles n’échappent pas, comme les Etats, au respect du droit international de la guerre.
Des crimes de guerre
Même s’il n’existe pas d’Etat mondial, il existe un droit international, des principes et des règles à respecter… même en temps de guerre. La violation manifeste de ces considérations élémentaires engage ainsi la responsabilité des deux belligérants de la guerre.
Israël se présente comme étant un Etat de droit démocratique. Pourtant, sa réaction militaire à l’attaque du Hamas ne respecte aucune des limites prévues par le droit international. Frappant indistinctement combattants et civils palestiniens, l’opération militaire israélienne relève d’une double logique de vengeance et de déshumanisation des Palestiniens.
Les actes commis par les soldats de l’armée israélienne s’inscrivent bien au-delà du droit revendiqué à la « légitime défense » : le blocus total de Gaza (qui empêche les civils d’accéder aux services et biens essentiels); les bombardements (massifs, disproportionnés et indifférenciés – entre civils et combattants); les destructions des infrastructures civiles (dont des hôpitaux); le « transfert forcé » aux accents de nettoyage ethnique de près d’un million et demi de civils sont constitutifs de crimes internationaux.
Juridiquement, la notion de « crimes internationaux » vise des actes criminels d’une gravité exceptionnelle établis par le « droit international pénal ». Ces actes criminels engagent la responsabilité pénale internationale des individus qui les ont commis, y compris lorsqu’il s’agit de dirigeants (politiques ou militaires) étatiques. Le droit international pénal pose en effet le principe de la responsabilité pénale individuelle, quelle que soit la qualité de l’auteur de l’acte.
Le Statut de Rome créant la Cour pénale internationale (CPI) énumère (aux articles 5 à 8) quatre types de crimes internationaux : le « génocide », les « crimes contre l’humanité », les « crimes de guerre » et l’agression. Non seulement tous peuvent être invoqués à des degrés divers dans le contexte de la guerre actuelle; mais les deux belligérants sont concernés et susceptibles d’être poursuivis pour ces différents crimes. Sachant qu’un même acte peut constituer à la fois un crime de guerre, un crime contre l’humanité et un génocide, dès lors que l’ensemble des éléments définitionnels de chacun de ces crimes internationaux sont vérifiés.