Les quelques jours de trêve dans la guerre de Gaza ne sont pas seulement utiles pour le Hamas qui, 50 jours durant, était sous haute pression. Ils le sont aussi pour l’armée israélienne qui, au début de l’opération de représailles le 7 octobre dernier, était loin de penser qu’après un mois et demi de combat, aucun des objectifs fixés ne sera réalisé. Et de fait, les forces du Hamas sont toujours en mesure de combattre et leurs missiles atteignent encore les villes d’Israël. Quant à l’autre objectif, la libération des otages, Netanyahu a dû se résoudre à l’échange et à accepter, la mort dans l’âme, les conditions du Hamas.
Nul ne sait combien de temps cet échange de prisonniers, de part et d’autre, va durer, ni si l’on assistera à des prolongations de la trêve. Cela dit, Israël, par la stupidité de sa classe politique, s’est mis dans une situation si inextricable qu’il n’a plus que des mauvais choix à faire. Car, pour Netanyahu, poursuivre la guerre est un mauvais choix, l’arrêter est pire encore.
Compte tenu du fait qu’en un mois et demi de guerre, l’armée israélienne n’a rien pu faire d’autre que détruire la moitié nord de Gaza et massacrer femmes, enfants et vieillards par milliers; continuer sur la même voie engendrera forcément une intensification des manifestations anti-israéliennes dans le monde et la multiplication des pressions des opinions publiques aux Etats-Unis et en Europe sur leurs gouvernements en faveur des Palestiniens.
Arrêter la guerre serait une perspective plus effrayante encore pour Netanyahu, son gouvernement et son armée. Cela serait vu non seulement en Israël mais dans le monde comme une défaite humiliante de « la plus puissante armée du Moyen-Orient » face à quelques milliers de militants palestiniens.
Il faut rappeler ici que, depuis des jours, la presse israélienne se fait l’écho de l’inquiétude croissante qui saisit les citoyens israéliens. Une inquiétude loin d’être injustifiée quand ceux-ci font le constat qu’après un mois et demi de bombardements intensifs nuit et jour, non seulement Hamas est toujours là, mais ses missiles atteignent encore Ashkelon, Ashdod et même Tel-Aviv.
Une inquiétude loin d’être injustifiée aussi quand les citoyens israéliens se livrent à un exercice de comparaison entre leur armée de 1967 qui, en six jours, avait battu les armées égyptienne, jordanienne et syrienne; et celle d’aujourd’hui qui, après quarante-cinq jours de combat, se révéla impuissante à venir à bout de quelques milliers de combattants palestiniens, modestement armés mais hautement déterminés à se défendre.
Une inquiétude loin d’être injustifiée enfin quand ces mêmes citoyens voient l’immensité du soutien populaire dont bénéficie de plus en plus les Palestiniens dans pratiquement tous les pays du monde.
Mais depuis quelques jours, cette inquiétude s’amplifie, faisant trembler la classe politique israélienne après les prises de positions officielles de l’Espagne, de la Belgique et de l’Irlande. La condamnation claire des excès israéliens à Gaza et le soutien tout aussi clair à un Etat palestinien viable par Madrid, Bruxelles et Dublin sonnent comme un désastre pour les dirigeants israéliens. Ceux-ci ont ignoré depuis longtemps le soutien populaire aux Palestiniens dans les pays européens. Mais que ce soutien dans ces mêmes pays évolue au point d’être adopté et exprimé aussi clairement par des gouvernements, cela affole les dirigeants israéliens et les fait sortir de leurs gonds.
Pris d’une peur-panique, ceux-ci ont non seulement convoqué les trois ambassadeurs d’Espagne, de Belgique et d’Irlande qu’ils ont traités avec une rudesse humiliante; mais ils sont allés jusqu’à accuser le gouvernement espagnol de « soutenir le terrorisme » …
L’insolence et l’arrogance avec lesquelles Netanyahu et sa clique ont réagi contre Madrid, Bruxelles et Dublin cachent mal leur angoisse aiguë face à la perspective que la nouvelle position de ces trois pays vis-à-vis du long conflit israélo-palestinien ne fasse tache d’huile dans tout le continent européen.
Une perspective qui se concrétisera sans aucun doute, si Netanyahu prend la décision de rompre la trêve et d’ordonner à son armée de rééditer au sud de Gaza les plus grands crimes de guerre de ce siècle qu’elle a commis au nord.