Un pays qui vit par et pour le pétrole organise cette année une conférence des Nations unies sur le climat ! Et pourquoi pas ? Après tout, on peut être à la tête d’un sultanat qui tire plus de la moitié de ses revenus des énergies fossiles, à savoir le pétrole et le gaz, qui est l’un des pays les plus irresponsables en matière d’émissions de CO2 et vouloir sensibiliser les leaders mondiaux sur la meilleure manière d’améliorer l’état de la planète par de bonnes résolutions pour faire face au changement climatique, au déclin de la biodiversité, à la déforestation et à la destruction des sols.
Pour les 100 000 personnes présentes pour cet événement, quoi de mieux que Dubaï, symbole du gigantisme architectural, du luxe le plus délirant, de l’outrance consumériste et de l’univers ludique sans borne. Une démesure généralisée en discordance criante avec les événements météorologiques extrêmes qui appellent l’urgence d’une refonte de nos sociétés et de nos modes de vie.
Réunis dans un parc d’attractions qui est la négation même de la nature, les participants vivront leurs fantasmes d’enfants dans un pays dont l’unique devise de ses dirigeants est celle du toujours plus. Le plus grand centre commercial du monde construit sur une superficie de 1,1 million de mètres carrés (m2) avec ses 1 200 boutiques. La plus haute structure jamais construite, le Burj Khalifa, ses 828 mètres de hauteur, ses 163 étages et 57 ascenseurs. La construction la plus chère, THE WORLD et ses 263 îles qui évoquent le planisphère, et PALM ISLAND, trois archipels artificiels dans le Golfe Persique sur les côtes de l’émirat de Dubaï dont chacun a une forme rappelant celle du palmier.
Sauf que pour réaliser ces projets grandioses qui, tel un jeu de lego, sont une source de bienfaits psychologiques sur leurs concepteurs, il leur fallait ratisser des centaines de millions de tonnes de sable et faire disparaître sous les coulées de béton des fonds marins et des récifs de coraux.
Cerise sur le gâteau, le sultan de l’émirat n’est autre que le P-DG de la compagnie pétrolière émiratie. Toutes les conditions sont réunies pour ôter à cet amusement royal, alors que la terre brûle, toute crédibilité.
Lassés du bla-bla et des beaux discours de mensonges de leurs collègues, les défenseurs de l’environnement, particulièrement ceux du Sud global, pourront toujours s’adonner aux plaisirs du ski, de la luge et du bobsleigh sur les tonnes de neige fraîche de la célèbre « station de sports d’hiver ».
Cerise sur le gâteau, le sultan de l’émirat n’est autre que le P-DG de la compagnie pétrolière émiratie. Bref, toutes les conditions sont réunies pour ôter à cet amusement royal, alors que la terre brûle, toute crédibilité.
La mémoire météorologique est la plus défaillante, car on lui attribue les exagérations les plus extrêmes. Pour relativiser ses jugements excessifs, on dit chez nous que celui qui n’a jamais menti pêcherait au moins deux fois l’an : l’hiver il affirme qu’il n’a jamais vécu pareil froid, et l’été qu’il n’a jamais connu de telles chaleurs. C’est que le climat, plus trivialement le temps qu’il fait, possède une dimension spatiale autant que temporelle, et l’étude des climats, pour exister, à besoin de la durée. C’est ce qui fait que la climatologie est un processus de mise en mémoire. Ce qui définit jusque-là les climats, pour nous autres profanes, ce sont les sensations qu’ils éveillent en nous, leurs effets sur nos corps et, au-delà, les jugements qu’ils nous inspirent.
On parle de climats agréables, bons, excellents, merveilleux, doux, tempérés, ou, au contraire, changeants, contrastés, mauvais, odieux ou tristes. Car plantes et bêtes sont d’autant plus vigoureuses que le climat est sain et tempéré.
Il paraît que maintenant le temps n’est plus ce qu’il était, que l’on ne retrouve plus les saisons, que les légumes sont fades, les fruits insipides, les viandes coriaces et les hommes de moins en moins accommodants
Ici, dit-on, s’est ouverte une des portes de l’enfer tant la chaleur est brutale et opiniâtre, là les pierres éclatent tant le froid est cassant. Car nous parlons du climat que vivent les hommes dans l’instant et sur leur terre et non de celui des théoriciens et des climatologues fait de notations systématiquement conduites, appuyées sur un nombre de points d’observation suffisants, et, pour un de ces repères donnés, sur un enregistrement continu d’un bout à l’autre de l’année ou du lustre.
Il paraît que maintenant le temps n’est plus ce qu’il était, que l’on ne retrouve plus les saisons, que les légumes sont fades, les fruits insipides, les viandes coriaces et les hommes de moins en moins accommodants. Car plantes et bêtes sont d’autant plus vigoureuses que le climat est sain et tempéré. Alors notre menteur de tout à l’heure, s’il devait répondre de ses péchés, serait aujourd’hui absout.
Il faut nous résigner à admettre que les caprices du climat, hélas, ne sont plus affaire d’appréciation d’une personne qu’un temps pluvieux démoralise, ou d’un nostalgique qui n’arrive plus à retrouver la saveur des fruits d’antan, mais prennent des allures de catastrophes à l’échelle planétaire.
Les mesures préconisées à l’échelle mondiale, au-delà du fait qu’elles soient inéquitables, sont insignifiantes par rapport à la masse des dégâts qu’entraîne chaque jour, à des degrés divers, le mode de vie des sociétés dont les gouvernements sont en permanence hantés par la croissance économique.
Les émissions de gaz à effet de serre par une exploitation exponentielle des énergies fossiles suscitent aujourd’hui de réelles inquiétudes et ont forcé la communauté internationale à adopter une politique de prévention des risques climatiques malgré les réticences des deux plus grands pollueurs du monde : Etats-Unis et Chine.
Peu enclins à se soumettre à des mesures obligatoires, ils ont fait défection à la réunion au sommet de la COP 28. Car on a constaté que ces émissions de gaz pourraient provoquer désormais de nombreuses et fréquentes perturbations sur le plan de la pluviométrie et des cycles océaniques provoquant, en alternance, sécheresses et inondations.
Mais les mesures préconisées à l’échelle mondiale, au-delà du fait qu’elles soient inéquitables, sont insignifiantes par rapport à la masse des dégâts qu’entraîne chaque jour, à des degrés divers, le mode de vie des sociétés dont les gouvernements sont en permanence hantés par la croissance économique et par la hausse ou la baisse de la production : disparition des forêts, extinctions d’espèces animales et végétales, réduction de la masse des glaciers, diminutions des réserves en eau, etc.
Si les mesures préconisées depuis 2015 se sont avérées inefficaces, c’est que nous nous trompons peut-être d’ennemi, que nous luttons contre les effets et non les causes.
Car aujourd’hui les turbulences ne sont pas seulement d’ordre climatique : la crise de la vache folle, les risques nucléaires, les aliments transgéniques, les guerres, la pauvreté, l’exclusion, les pandémies, le tout accentué par l’interdépendance croissante des activités humaines, remettent en cause tout un système de développement basé sur le productivisme et la recherche du profit.
Les vaines tentatives pour réconcilier le capital avec l’environnement ne sont pas nouvelles. Il y a trente ans, on parlait déjà (à l’adresse des pays pauvres) d’un développement durable qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs.
Les pays riches, représentés par les institutions financières internationales, disaient aussi que tout ira de mieux en mieux tant qu’on assume que seul le marché, autrement dit le capital, peut continuer à améliorer l’environnement.
Or, pour produire plus d’objets inutiles et rester riches, il fallait que leur richesse vienne de l’externalisation massive des coûts sur la nature ou sur le bien-être des autres pays. Autrement dit, l’épuisement des ressources et la pollution sont rentables pourvu que les coûts soient assumés par d’autres que celui qui produit les richesses.
Les vaines tentatives pour réconcilier le capital avec l’environnement ne sont pas nouvelles. Il y a trente ans, on parlait déjà d’un développement durable qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs.
De COP en COP, la situation se dégrade et on se rend compte que le dérèglement climatique, la pollution, l’épuisement rapide des sources d’énergie et des matières premières et conflits armés qu’elles provoquent, échappent aujourd’hui à toutes les conventions internationales dont l’inefficacité est de plus en plus criante.
A ce propos, me vient à l’esprit un passage tiré de l’œuvre de K. Marx au moment où on nous informe d’une hausse de 7% du nombre des milliardaires en dollars : « Donnez, écrit-il, 10% de profit au capital et il vous arrache des forêts vierges et il vous assèche des océans, il rend arables des déserts. Donnez-lui 20% et il vous anéantit des peuples et des cultures entières qui font obstacle à ses intérêts. Donnez-lui 50% et les signes de tout droit humain et divin sont trop faibles pour lui résister ».