Si l’on en croit les promesses, en cours, des grandes et moyennes puissances du monde et du Moyen-Orient, la création d’un État palestinien sur la rive occidentale et la bande de Gaza est non seulement possible, mais aussi inéluctable, pour imposer la paix dans cette partie du monde, paix qui sera imposée à Israël.
Mais peut-on sérieusement croire encore en les promesses d’un Occident qui a participé militairement, politiquement et financièrement à un génocide aussi affreux que les pires des génocides perpétrés dans l’histoire du 20ème siècle ? Les promesses, depuis celle de Balfour jusqu’à la décision même du partage du territoire palestinien de 1948, les différentes étapes du processus d’Oslo, ont toujours démontré que l’Occident ne reconnaît que les rapports de force imposés par les armes, et que la loi internationale n’est applicable pour lui que dans le cas où elle est favorable à l’État sioniste.
Israël a perdu la guerre ?
De toute façon, quelles que soient les déclarations des dirigeants de cet État-voyou sur une supposée victoire militaire, il est clair qu’il est loin d’avoir gagné la guerre, puisque l’objectif militaire et politique déclaré par ses chefs était d’exterminer le Hamas.
Non seulement le Hamas est loin d’être exterminé, mais il ressort beaucoup plus fort, politiquement mais aussi militairement, comme en témoigne le nombre de soldats et surtout d’officiers israéliens tués presque à bout portant, malgré leurs armes sophistiquées et leur nombre qui bat tous les records historiques, dans des combats où il s’agit de soumettre une bande de territoire plus petite qu’un de nos sous-gouvernorats.
L’échec militaire est d’autant plus grand que l’essentiel des « otages » n’a pu être libéré. Il reste aussi que les 500 km de tunnels souterrains sont devenus des pièges meurtriers pour les envahisseurs, ce qui prouve que la résistance palestinienne peut continuer à combattre, sans être obligée d’accepter un cessez-le feu qui ne lui soit pas favorable.
Mais c’est la guerre politique qu’Israël a déjà perdue. Rappelons que cette entité, créée légalement par l’ONU, militairement et politiquement par les puissances victorieuses de la Seconde Guerre mondiale, ne peut exister que si ce soutien continue à être indéfectible surtout militairement et financièrement. Car elle n’a pas la légitimité de la terre et de l’Histoire. Si pour des raisons qui tiennent plus à la géopolitique des puissances occidentales et principalement les USA, ce soutien vient à lui manquer ou à diminuer d’intensité, sa propre existence peut être mise en cause, car elle a réussi depuis sa création à provoquer une haine viscérale et presque sacrée chez les Arabes en particulier, et les musulmans en général, qui comptent plus d’un milliard et demi de personnes, et que, tôt ou tard, cette haine risque d’éclater et cela quelle que soit la nature des régimes politiques qui gouvernent ces peuples.
Si pour des raisons qui tiennent plus à la géopolitique des puissances occidentales et principalement les USA, ce soutien vient à lui manquer ou à diminuer d’intensité, sa propre existence peut être mise en cause.
On sait ce que valent les reconnaissances diplomatiques en cas d’embrasement général de la région. Ceci sans parler des Palestiniens eux-mêmes qui sont devenus un peuple de guerriers qui n’abandonnera jamais la terre de ses ancêtres. Ils finiront par vaincre et ceci même si Israël possède un arsenal d’armes atomiques. L’histoire nous démontre que tous les États qui possèdent ces armes mais qui envahissent d’autres territoires appartenant à d’autres peuples finissent toujours par être vaincus.
La volonté d’être libre et indépendant est une loi de l’Histoire plus puissante que toutes les armes.
Et puis un autre facteur tout à fait nouveau révélé par cette guerre, d’un nouveau genre, est que la génération des sionistes qui a créé Israël par le fer et le sang a définitivement disparu, laissant la place à une génération qui ne croit plus au mythe de la « terre promise » et ne cherche dans ce pays que les avantages matériels qu’il leur offre, pour les amadouer. Pourquoi sinon presque tous les Israéliens cherchent-ils toujours à acquérir une seconde nationalité comme l’a prouvé l’affaire des détenus par le Hamas ? Ce que savent bien les stratèges sionistes qui veulent démontrer, souvent avec des arguments fallacieux, que seul l’État sioniste peut garantir la sécurité des juifs. Or, depuis sa création, les juifs de par le monde n’ont jamais eu aussi peur, une peur il est vrai entretenue par la propagande de cet Etat. Mais Gaza est passé par là et prouve que même une petite poignée de combattants déterminés peut mettre en difficulté une armée régulière aussi puissante en armes que celle d’Israël.
La tête de pont qui menace de s’écrouler !
Jamais depuis la création de l’État d’Israël, les dissensions avec le plus grand de ses alliés, les USA, n’ont été aussi grandes, et rendues aussi publiques. Une divergence de fond quant à l’après-guerre de Gaza est apparue dans les déclarations des responsables américains, notamment le président Biden et son ministre des Affaires étrangères Blinken.
Alors que les chefs de guerre israéliens, et à leur tête Netanyahu, déclaraient que Gaza restera sous occupation de leur armée et qu’ils ne voulaient pas entendre parler du gouvernement de Ramallah, les Américains « rétablissent » Abu Abbas dans son rôle de porte-parole des Palestiniens et veulent rétablir son autorité sur la bande de Gaza, ce qui n’est pas pour plaire ni au gouvernement actuel israélien ni au Hamas. Ce dernier, fort de la légitimité qu’il a acquise dans le combat, a même menacé quiconque marche dans ce projet. Ce qui est logique, car aussi bien les islamistes palestiniens que les extrémistes juifs ne veulent entendre parler de la solution des deux Etats.
Les Iraniens, fins diplomates et fins tacticiens, jouent cette carte d’allumer la mèche d’une guerre régionale pour éloigner d’eux le risque d’être attaqués par Israël et aussi tout l’Occident derrière.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle tous les gouvernements israéliens, depuis Rabin, ont toujours soutenu le Hamas contre Arafat et l’Autorité palestinienne. Sauf que le 7 octobre 2023 a chambardé tous les calculs et l’on se retrouve dans une situation où la guerre risque d’être généralisée et d’embraser tout le Moyen-Orient et de bousculer le fragile équilibre international dans la région.
L’axe Moscou-Pékin-Téhéran est en embuscade. Cette fois-ci Israël a joué avec le feu et les Américains ne peuvent pas et ne doivent pas le laisser faire. Les Iraniens, fins diplomates et fins tacticiens, jouent cette carte d’allumer la mèche d’une guerre régionale pour éloigner d’eux le risque d’être attaqués par Israël et aussi tout l’Occident derrière.
Mais Israël est un allié stratégique, une sorte de tête de pont des intérêts occidentaux qui devient un pion essentiel dans l’échiquier régional et international. C’est un candidat aux élections présidentielles américaines qui avait expliqué au mieux cette théorie, un certain Kennedy, et qui a déclaré que si Israël tombe, c’est notre présence dans la région qui sera mise en cause, et ce sont les Chinois et les Russes qui en profiteront. Or ce qui menace Israël est justement sa politique aventuriste actuelle, qui est basée sur une mauvaise évaluation du vrai rapport de forces, surtout qu’il a gravement sous-estimé la capacité de la résistance palestinienne.
Les Occidentaux ne laisseront pas Netanyahu jouer avec les allumettes et se chargeront de le raisonner en acceptant un cessez-le-feu qui sonne comme une défaite politique et militaire, ou tout simplement de l’éliminer.
Pour le moment, c’est pour la première solution qu’ils ont opté, et tout laisse croire qu’il a compris le message puisque, sans le dire, son armée bat en retraite, contrairement à ce qu’il prétend.
Dans l’histoire de leur relation, jamais Israël n’a été aussi dépendant, dans ce qu’elle considère comme sa sécurité, des USA comme maintenant. Jamais non plus les militaires américains ne se sont impliqués dans une guerre au Moyen-Orient comme maintenant, ce qui les amène à diriger et fixer même les objectifs militaires, et pour cela ils sont responsables des massacres, surtout des civils, femmes, enfants, bébés, vieillards, et ça l’opinion américaine commence à le savoir. Cette opinion, trompée pendant des décennies sur la nature même de l’État sioniste, commence à se réveiller et à s’exprimer, dont une partie de la diaspora juive aux USA. Cela leur rappelle la Shoah dont furent victimes les juifs sous le régime nazi. Cela va aussi être un enjeu dans la future campagne présidentielle en 2024, ce qui explique en partie le rétropédalage de l’équipe Biden.
Quel que soit le résultat des futures élections, la politique américaine à l’égard de la question palestinienne ne sera jamais plus la même. Désormais ils vont tout faire pour installer un Etat palestinien, mais évidemment pro-américain. Israël aura ainsi perdu la guerre, car il va être obligé d’abandonner, du moins pour la période à venir, l’idée d’un Israël biblique.