Boycottées par l’opposition qui n’y voit qu’un scrutin « inutile », les élections locales n’ont pas attiré ce dimanche 24 décembre la grande foule. En effet, selon les chiffres fournis par l’ISIE, seuls 11,66 % des 9 millions d’électeurs sur une population de 12 millions d’habitants se sont rendus aux urnes.
Méfiance envers la classe politique, désintérêt pour la chose publique, mauvais timing marqué d’une part par le drame de Gaza et d’autre part par les festivités de la fin de l’année dans une ambiance de morosité accentuée par la cherté de la vie, un pouvoir d’achat en berne, ainsi que par la pénurie des matières de première nécessité, ambigüité du mode de scrutin bicaméral… Tous ces ingrédients réunis expliquent en partie qu’environ neuf Tunisiens sur dix n’auront pas daigné se déplacer, dimanche 24 décembre, pour exercer leur devoir électoral, à l’occasion de la tenue des élections locales.
Record d’abstention
A savoir que ce scrutin aura coûté aux contribuables la somme rondelette de quarante millions de dinars, sans parler des dix millions de dinars prévus pour le second tour. Tout cela pour mobiliser 11,66 % d’électeurs invités à élire plus de 2 000 conseillers locaux sur environ 7 000 candidats.
Un record historique d’abstention pour la deuxième fois consécutive, après les élections législatives de 2022, qui doit interpeler tous les acteurs politiques et qui pose des questions sur le processus de la démocratie naissante en Tunisie. Est-ce en partie à cause de la pétition nationale signée par plus de 260 personnalités tunisiennes qui s’opposent à un scrutin « inutile » qui vise, selon les signataires, à « affaiblir le pouvoir local, à le disperser et à en faire un autre instrument docile entre les mains du pouvoir exécutif » ?
La voix des marginalisés
Pourtant, le président de la République, Kaïs Saïed n’a pas lésiné sur les moyens pour la mise en place de la pierre d’édifice du régime de base, cher à son cœur, et inscrit de surcroit dans la Constitution du 25 juillet 2022. Soit un Parlement à deux chambres : l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) et un Conseil national des régions et des districts.
Ainsi, bravant le silence électoral ce dimanche 24 décembre, il prononça un discours après avoir glissé son bulletin de vote à l’école primaire de Mnihla 1, pour nous promettre des lendemains enchanteurs.
« Ensemble, nous sommes en train de construire aujourd’hui une nouvelle bâtisse, sur la base des attentes du peuple, le réel détenteur du pouvoir. Et ce, en lui donnant les moyens d’exprimer directement sa volonté ». Toutefois, a-t-il expliqué, « à l’instar de l’Assemblée des représentants du peuple, le Conseil national des régions et districts est responsable devant les électeurs qui peuvent retirer leur confiance aux membres à tout moment pendant le mandat électoral ».
Et de promettre, euphorique, « ce Conseil qui représentera tous les Tunisiens, sera proche des citoyens. Il permettra également aux marginalisés qui n’ont pas de voix de devenir des décideurs et de participer ainsi à l’élaboration de lois et même à l’interpellation des membres du gouvernement ».
Sur un autre volet, le chef de l’Etat exposa sa vision pour l’avenir : « Nous continuerons à bâtir toutes les institutions de l’État dans un avenir proche et nous poursuivrons en parallèle l’assainissement de l’Etat de ceux qui l’ont exploité pendant des décennies ».
« J’ai abordé, il y a quelques jours, la question des entreprises et institutions publiques et vous avez vu la quantité de corruption », a-t-il poursuivi. Mais ce n’est qu’une petite partie de la corruption qui a miné le pays. Nous avons beaucoup de richesses et nous devons compter sur nous-mêmes. L’avenir appartient au peuple tunisien, le véritable détenteur du pouvoir! »
Inquiétudes
Or, malheureusement les promesses d’une démocratie « directe » annoncées par le chef de l’Etat n’ont pu empêcher un taux historique d’abstention pour la deuxième fois consécutive, après les élections législatives de 2022. « Je n’ai jamais vu une affluence aussi faible lors des élections organisées en Tunisie depuis 2011 », a confié à l’AFP, sous couvert d’anonymat, le président d’un bureau de vote à Tunis.