L’Etat tunisien, qui a adhéré depuis 2011 à la Convention de Rome et qui est aujourd’hui membre dans plusieurs autres instruments juridiques internationaux relatifs aux droits de l’Homme et aux principes de la justice pénale, se doit de traduire dans les faits les valeurs et principes contenus dans ces textes, en œuvrant, notamment, à la consécration de l’indépendance de la justice. C’est ce qu’a déclaré Haykel Ben Mahfoudh, récemment élu juge à la Cour pénale internationale (CPI).
Il a également préconisé la promulgation de nouvelles lois criminalisant les agressions et crimes de guerre dans l’objectif d’adapter l’arsenal juridique tunisien au dispositif du droit international et à la convention de Rome.
Cité par la TAP, samedi 6 janvier 2024, en marge d’une cérémonie organisée à la Faculté des Sciences Juridiques, Politiques et Sociales de Tunis en son honneur, le juge Ben Mahfoudh estime que son élection en tant que magistrat tunisien à la CPI consacre l’engagement de l’Etat tunisien à défendre les principes de la justice et des droits de l’Homme et à combattre l’impunité malgré les difficultés économiques, politiques et sociales que vit le pays.
Le 6 décembre dernier, Haykel Ben Mahfoudh a été élu magistrat à la CPI, devenant ainsi le premier Tunisien à accéder à ce poste depuis la création de cette juridiction en 2002.
La Tunisie est membre actif dans la région arabe en matière des droits humains
Dans son intervention, il a mis en avant l’attachement de la Tunisie aux valeurs de justice et de droits de l’Homme, une thématique qui a été au centre de sa campagne électorale pour le siège de la Cour internationale, a-t-il précisé. Il fait observer, dans ce sens, que la Tunisie est membre actif dans le système juridique régional et assure un rôle de premier plan dans la région arabe en ce qui concerne, justement, les droits humains.
« Le système juridique tunisien gagne à prévoir des lois qui criminalisent les actes d’agression, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et le génocide », insiste le juge, évoquant un projet d’amendement du Code pénal élaboré entre 2017 et 2018 qui propose l’insertion des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre dans le système juridique tunisien.
Il a également affirmé avoir la conviction que l’indépendance est un élément essentiel de son travail en tant que juge, soulignant que l’indépendance par rapport à son pays est évidente et ne pose aucun problème, la Tunisie étant, selon lui, un pays qui respecte l’indépendance du pouvoir judiciaire.
» En tant que juge, je ne représente pas la Tunisie mais plutôt l’humanité dans son ensemble et les 123 pays membres de cette cour », a-t-il ajouté.
Pressions sur la Cour pénale internationale
Il a expliqué que le concept d’indépendance se définit en lien avec les pressions extérieures exercées sur la Cour pénale internationale par certains pays non membres qui ne voient pas l’intérêt d’avoir un juge arabo-tunisien à la Cour, voire remettent en question l’existence même de la Cour, considérant qu’elle agit contre leurs intérêts et leur influence dans de nombreuses régions.
Haykel Ben Mahfoudh a, à cet effet, souligné l’importance d’être conscient de ces pressions et de préserver l’indépendance et la neutralité en tant que juge, tout en travaillant sur la crédibilité des décisions de la Cour dans toutes les affaires et procédures, résultat d’une cohérence et d’une harmonie dans le travail.
A la barre dès mars 2024
Il a affirmé qu’il prêtera serment en mars prochain (2024) avant de prendre ses fonctions dans l’une des chambres, à savoir la chambre préliminaire, la chambre de première instance et la chambre d’appel. Il a ajouté que la présidence de la Cour est chargée de nommer les nouveaux juges dans ces différentes chambres.
Ont assisté à la cérémonie des professeurs de droits, des doyens, en plus de ministres et responsables à la présidence du gouvernement et aux ministères des affaires étrangères et de l’enseignement supérieur.
Les invités ont exprimé leur fierté de l’élection de Haykel Ben Mahfoudh à la cour pénale ce qui contribuera au rayonnement de la Tunisie à l’échelle scientifique et académique et renforcera sa présence dans les grand rendez-vous internationaux.
La directrice de cabinet du chef du gouvernement, Samia Charfi, a, à cette occasion, invité universitaires et chercheurs à postuler pour des postes dans les différentes structures internationales scientifiques et académiques affirmant que la présidence du gouvernement appuiera toutes les candidatures et en assurer le suivi.