Israël se caractérise par sa capacité à ignorer les prescriptions du droit international, préférant la loi du plus fort à la loi de la justice. La guerre actuelle contre les Palestiniens de Gaza en est un nouvel exemple. Sauf que l’initiative de l’Afrique du Sud de saisir la Cour internationale de justice (CIJ) risque de remettre le droit au cœur de ce conflit. Face au silence occidental et à l’impuissance arabe, le pays de Mandela a présenté une requête contre Israël pour la violation de ses obligations relatives à la prévention du crime de génocide.
Le 16 novembre 2023, 33 experts onusiens avaient déjà signé une déclaration appelant à une réaction internationale urgente au regard des « graves violations commises par Israël contre les Palestiniens au lendemain du 7 octobre, notamment à Gaza, laissant présager un génocide en devenir ».
Le crime international de « génocide »
La notion de génocide est une catégorie juridique complexe qui a évolué au fil du temps pour devenir l’un des crimes les plus graves de nos ordres juridiques. Il est imprescriptible et plusieurs Etats se reconnaissent une compétence universelle pour instruire et juger de tels agissements. Ce concept a, évidemment, des origines historiques liées aux crimes nazis commis pendant la Seconde guerre mondiale, en particulier contre des millions de Juifs. En réaction, une « Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide » a été adoptée par les Nations Unies en 1948. Ce traité international définit le génocide en son article 2 comme : « Tout acte commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, en tant que tel. ».
De cette définition ressortent plusieurs éléments : la question des actes commis, du groupe spécifiquement visé et celui de l’intention génocidaire. Au regard des destructions, des bombardements nourris et indiscriminés sur des bâtiments civils, sur des écoles, sur des hôpitaux, etc., il semble que le premier critère de la définition soit potentiellement rempli. Reste la question décisive de la volonté génocidaire, celle de l’intentionnalité. Celle-ci suppose l’identification de textes, de discours, d’ordres, de décisions et de pratiques…
En l’état, il existe déjà un ensemble de déclarations d’officiels israéliens qui traduisent une déshumanisation des Palestiniens. Le 19 novembre dernier, l’ancien général et dirigeant du Conseil de Sécurité National israélien, Giora Eiland, a publié une tribune dans laquelle il appelle à massacrer davantage les civils à Gaza pour faciliter la victoire d’Israël. Avant cela et suite à l’attaque du 7 octobre, le ministre israélien de la Défense, Yoav Galant, avait déclaré : « Nous imposons un siège complet à Gaza. Pas d’électricité, pas d’eau, pas de gaz, tout est fermé […] Nous combattons des animaux humains et nous agissons en conséquence ». Dans une logique similaire, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a opposé « le peuple des lumières » à celui « des ténèbres », une dichotomie bien connue dans la rhétorique génocidaire. Enfin, en direct à la radio, le même Amichay Eliyahu a déclaré qu’il n’était pas entièrement satisfait de l’ampleur des représailles israéliennes et que le largage d’une bombe nucléaire « sur toute la bande de Gaza, la raser et tuer tout le monde » était « une option ». Depuis, il a été suspendu, mais sans être démis de ses fonctions …
Vers une décision judiciaire de cessez-le-feu?
Lorsque des conditions d’urgence absolue existent comme dans le cas d’espèce, la CIJ peut prononcer des mesures conservatoires qui s’imposent aux parties. Et ce, en attendant l’arrêt définitif de la Cour sur le fond de l’affaire (qui ne sera rendu que dans quelques années).
C’est ce qu’invoque aujourd’hui l’Afrique du Sud en demandant au président de la CIJ d’appeler Israël « à arrêter immédiatement toutes les attaques militaires dans la bande de Gaza et de mettre fin à sa restriction de l’aide humanitaire ». Or, même si la CIJ devait répondre favorablement à la demande de l’Afrique du Sud, Israël risque de ne pas suivre cette décision de justice. De la même manière qu’il ne respecte pas la plupart des résolutions des Nations Unies votées à son encontre. Ainsi, l’opération actuelle de destruction de Gaza survient cinquante-six ans après que le Conseil de sécurité des Nations Unies a demandé la cessation de tous les actes de belligérance et le retrait d’Israël des territoires occupés pour parvenir à une paix juste et durable permettant à chaque État de la région de vivre en sécurité (résolution 242 (1967) du 22 novembre 1967) …