En cette année marquée par l’élection présidentielle, le mouvement islamiste d’Ennahdha cherche à se repositionner sur l’échiquier politique en changeant de nom. Véritable mue en profondeur opérée par la nouvelle direction post- Ghannouchi ou opportuniste transformation de façade?
Alors qu’il avait été le long de la décennie noire le parti qui faisait la pluie et le beau temps en Tunisie, on croyait, à tort, que le mouvement islamiste d’Ennahdha ne survivrait pas à la vague de démissions de ses partisans; et ce, suite à l’emprisonnement de plusieurs de ses leaders, à l’instar de : Noureddine Bhiri, Abdelkerim Harouni, Mondher Ounissi et Abdelmajid Jlassi ou encore Ali Laarayedh.
Mais c’est mal connaitre ce parti qui donnait l’impression d’être en pleine décrépitude, de sombrer même dans une mort encéphalique; surtout après la mise sous verrous de son leader historique, Rached Ghannouchi, 81 ans. Un parti qui, tel un sphinx, semble renaitre de ses cendres.
Une année cruciale pour Ennahdha
Par quel miracle? Ennahdha, qui changera probablement de nom, veut se repositionner sur l’échiquier politique en 2024. Une année qui sera marquée par la tenue en automne prochain de l’élection présidentielle à laquelle le mouvement islamiste veut à tout prix participer. Et ce, soit directement, ce qui parait très peu probable, soit comme à l’accoutumée par personnalité interposée.
De plus, l’année en cours verra probablement l’organisation de son 11ème congrès tant attendu, maintes fois planifié et maintes fois reporté. En effet, Initialement prévu pour 2020, il avait été officiellement annoncé pour le mois d’octobre 2023; avant d’être à nouveau reporté étant considéré par certains comme « un putsch contre la direction légitime ».
Or, est-il suffisant de changer de nom pour que ce mouvement d’obédience islamique se transforme, comme par magie, en une formation politique civile prête à se conformer aux principes de la démocratie et aux exigences de l’État de droit? Sachant que le parti islamiste créé officiellement le 6 juin 1981 dans l’illégalité par Ghannouchi et Abdelfattah Mourou sous le nom de « Mouvement de la tendance islamique », changea de nom en février 1989, pour devenir Ennahdha. Et ce, dans le souci de se conformer, en apparence, aux clauses du Code électoral qui interdisent toute référence à la religion pour les partis politiques.
« Changer de nom est une option »
C’est dans ce contexte qu’il faut placer les propositions émises par le secrétaire général du parti Ennahdha, propulsé à la tête du parti après l’arrestation de Mondher Ounissi.
Ainsi, le nouveau patron d’Ennahdha avance sur sa page FB dimanche 7 janvier 2024 que « changer le nom du parti est une option qui a été proposée au sein de la commission de la préparation du contenu ». Tout en précisant que cela « ne nécessite de référendum interne que s’il existe plusieurs alternatives au nom actuel du parti ».
« A ce moment-là, il faudrait un sondage pour savoir quel nom sera plébiscité », a-t-il précisé. En expliquant que le changement de nom aura lieu, si toutefois la décision est officialisée au cours du prochain congrès d’Ennahdha.
D’autre part, « il n’est pas non plus exclu de changer le nom du conseil de la Choura pour devenir conseil national », a ajouté le SG d’Ennahdha. Expliquant qu’il s’agissait d’une idée proposée avant le neuvième congrès du parti. « Toutefois, cette idée semble aujourd’hui plus adéquate avec les nouvelles orientations du parti qui cherche des points communs avec les forces démocratiques et civiles ».
Vers une candidature unique à la présidentielle?
De quelles nouvelles orientations s’agit-il? Sous l’impulsion de la nouvelle direction post- Ghannouchi, plus jeune, moins dogmatique et surtout plus pragmatique, tout porte à croire que le mouvement Ennahdha cherche à nouer des alliances avec « les forces démocratiques civiles ». Traduisez les partis d’opposition réunis sous le parapluie du Front de salut national présidé par l’inamovible Ahmed Néjib Chebbi. Et ce, pour présenter une candidature unique contre l’hyper favori de la prochaine élection présidentielle, le président sortant Kaïs Saïed. Ce dernier, fort des sondages en sa faveur, briguera logiquement un second mandat.
D’ailleurs, le dirigeant d’Ennahdha et membre du Front du Salut national, Riadh Chaïbi ne cachait pas, en fin de semaine, qu’Ennahdha et toutes les composantes politiques du Front de salut national « restent concernés par le processus électoral en Tunisie ». Appelant, dans le même temps, toutes les forces démocratiques à « soutenir un candidat unique pour la prochaine présidentielle ». De quoi s’interroger.
A ce propos, notons que, jusqu’à nouvel ordre, Ennahdha n’a pas dévoilé le nom du candidat qu’il présentera ou soutiendra lors du prochain scrutin présidentiel. Certainement, avancent les mauvaises langues, pour ne pas répéter l’erreur colossale de 2019 où le parti de Ghannouchi soutint par opportunisme, pour ne pas dire cynisme, le candidat Kaïs Saïed au détriment de son propre candidat Abdelfattah Mourou. Avec les conséquences que l’on sait pour le parti islamiste.