Les technologies, c’est son dada. Il revendique une appropriation de l’Intelligence artificielle (IA) par les Africains. Il plaide pour un volontarisme résolu des gouvernements africains en faveur d’un développement de l’IA. Il souhaite que le continent africain ne rate pas le nouveau train des progrès engendré par les technologies en général et l’IA en particulier.
Il, c’est Karim Beguir, co-fondateur de la start-up InstaDeep– un des leaders dans le système d’IA décisionnelle-, qui a récemment été désigné parmi les 100 personnalités les plus influentes en matière d’IA par Time Magazine, rapportent confrères de France 24.
Sur la chaîne de télévision France 24, lundi 5 février 2024, un débat a eu lieu sur « L’Intelligence artificielle, opportunité ou danger pour l’Afrique? » Cette interrogation est partie de l’avertissement lancé par le professeur sénégalais Seydina Ndiaye, qui fait partie d’un groupe de 38 experts retenus par l’ONU pour une réflexion sur l’intelligence artificielle.
En effet, le Pr Ndiaye considère que « la grande menace, c’est la colonisation par l’IA ». Et sans le dire ouvertement, il s’agit bien de la colonisation de l’Afrique.
L’IA, une technologie utile à l’Afrique
On comprend alors que les débats se multiplient sur et autour des usages de cette technologie en général. Et deux questions méritent justement d’être posées aujourd’hui : les nouvelles technologies en général et l’intelligence artificielle en particulier constituent-elles une chance ou une menace pour l’Afrique? Dans ce cas, quels sont les principaux défis à relever pour les pays africains?
Interpellé sur ce qu’il fait avec l’IA, Karim Beguir a répondu : « Notre but avec l’IA, c’est d’aller plus loin que de simplement détecter des problèmes, par exemple reconnaître des objets sur une vidéo ou autre. Mais il s’agit d’utiliser la puissance de l’IA pour résoudre des difficultés importantes ».
Pour étayer ses dires, il prend l’exemple de la gestion des ressources d’énergies renouvelables, des énergies qui proviennent des éoliennes, c’est-à-dire du vent. Autrement dit, des choses qui sont variables, donc difficilement gérables. De ce fait, éviter des congestions d’un réseau électrique, c’est ce type de problèmes qu’on peut résoudre à InstaDeep.
Il ajoutera que sa start-up utilise sa technologie pour résoudre des problèmes complexes, telle la gestion des circuits intégrés et bien d’autres.
Idem dans le domaine de la santé. « Avec nos partenaires à BionTech, nous avons travaillé sur la définition des nouvelles thérapeutiques. Notamment de nouvelles protéines sur lesquelles nous utilisations l’IA pour proposer de nouvelles séquences qui seront ensuite validées en laboratoire par BionTech », assure M. Beguir.
Ensuite, quand on lui pose la question de savoir quelles sont les opportunités qu’apporte l’IA au continent africain, sa réponse était on ne peut plus claire : « Je dirais que, aujourd’hui, l’IA c’est la grande opportunité pour le monde en général, et pour l’Afrique en particulier. Quand on voit ce que fait l’IA, c’est vraiment quelque chose de révolutionnaire pour tous les modèles d’activité économique. Le continent africain déborde d’une jeunesse enthousiaste, qui a envie d’apprendre ».
« L’IA va nous aider à être beaucoup plus productif et aller beaucoup plus vite et loin. On le voit d’ailleurs dans le monde avec énormément de progrès en matière de productivité, de programmation… »
Alors bien évidemment, il indique que le message d’InstaDeep, c’est : « Avec l’IA on peut tout faire ». Il explique au passage qu’il s’agit d’une technologie digitale qui fonctionne avec simplement une connexion internet. « Avec la volonté d’apprendre, on peut créer de la richesse, voire l’économie de demain ».
Il poursuit en disant que « c’est extrêmement important, parce que l’économie et le monde changent. Et on veut que l’Afrique fasse partie du monde de demain ».
Une infinité de possibilités d’IA
Aujourd’hui, l’IA apporte moult réponses et solutions aux différents défis auxquels on fait face. Karim Beguir cite l’exemple de l’éducation qu’il qualifie de « volet extrêmement important ». Il appelle à « expliquer à nos jeunes tout ce qu’on veut faire avec l’IA, leur apprendre la programmation, à maîtriser cette technologie. On peut ensuite la déployer dans beaucoup de secteurs, tel que le domaine médical […] Vous avez maintenant des systèmes d’IA qui peuvent assister les médecins et les infirmiers avec un tel niveau de précision dans la qualité de diagnostic que cela est absolument remarquable ».
En somme, l’IA va nous aider à être beaucoup plus productif et aller beaucoup plus vite et loin. On le voit d’ailleurs dans le monde avec énormément de progrès en matière de productivité, de programmation. D’ailleurs, on est deux fois plus productif aujourd’hui que par le passé, indique notre ingénieur. « Tous ces gains de productivité et d’efficacité sont une chance pour l’Afrique et je dirais que c’est la chance unique dans le contexte actuel ».
On en vient maintenant aux possibles dangers et menaces de l’IA. Il estime qu’à court terme, « le plus grand danger, c’est de ne pas faire partie de cette vague de progrès. Des richesses exponentielles sont en train d’être créées par l’IA, c’est donc vital que nos sociétés fassent partie de ces opportunités. Si vous regardez les modèles de développement en Afrique, ils sont très souvent basés sur l’exploitation des ressources naturelles, l’utilisation de main-d’œuvre non qualifiée et à bas coûts. Or, l’IA c’est l’opportunité de monter en gamme ».
M. Beguir illustre ses propos en soulignant : « Je me suis battu pendant des années pour démontrer qu’on peut innover dans le domaine de l’IA en Afrique, aujourd’hui c’est une réalité. Et au-delà de cela, faire de l’IA le moteur et le poumon économique du continent, c’est possible. Et cela est d’autant plus nécessaire que les modèles classiques de développement vont être de plus en plus difficiles à déployer dans l’avenir. »
Sans commentaire !
Gare à la discrimination, à la manipulation et au chômage
Toujours en ce qui concerne les dangers liés à l’IA, des chercheurs ont également montré que les algorithmes d’IA figent des stéréotypes racistes ou sexistes. Et quand on lui demande ce qu’il en pense, il a souligné ce qui suit : « L’IA est une technologie puissante. Il y a des risques mais la solution (à ces risques) est simple : il faut donner aux jeunes africains les moyens de construire cette technologie. Prenons le cas de la reconnaissance visuelle ou faciale. Si c’est quelque chose qui est uniquement développé aux USA, en Europe ou en Chine, cela peut potentiellement créer des problèmes. Mais si c’est une technologie que s’approprient les jeunes africains pour des utilisations positives et bénéfiques pour la société, finalement vous aurez moins de risques ».
« Je pense qu’il y a vraiment une opportunité pour les gouvernements africains d’être beaucoup plus ambitieux en termes de pratique d’IA »
Autrement dit, la meilleure manière de se battre contre les stéréotypes, indique M. Beguir, c’est de donner les moyens de développement de l’IA à la disposition des jeunes africains pour qu’eux-mêmes développent des solutions techniques qui vont être ensuite être utilisées dans les différents pays du continent.
Alors, est-il possible de mettre au point une IA alignée sur les enjeux du continent et garantir qu’elle soit responsable et éthique? Pour Karim Beguir, c’est possible. Et il explique le comment : « De ce point de vue, je pense qu’il y a vraiment une opportunité pour les gouvernements africains d’être beaucoup plus ambitieux en termes de pratique d’IA. Quelque part, à travers l’histoire d’InstaDeep, on voit que c’est possible de faire des choses extraordinaires en termes d’IA. On a besoin de beaucoup de volontarisme de la part des gouvernement. »
Pour ce faire, il raconte : « J’étais récemment à Kigali où nous avons ouvert un bureau. Le gouvernement du Rwanda est en train de faire de grandes choses en termes d’innovation technologique et d’IA. Et la meilleure garantie qu’on ait pour que l’IA soit une opportunité pour l’Afrique, c’est s’approprier cette technologie. Si on réussit, l’IA ne sera pas quelque chose développé aux USA, en Europe ou en Chine, ce sera une vraie opportunité développée en Afrique par de jeunes africains pour les besoins des Africains. »
Bien vu, Monsieur !