La 5ème édition du « Forum méditerranéen de l’Eau » se tient à Tunis jusqu’au 7 février. La coopération et la coordination des Etats sont plus que légitimes en la matière. Il en va de l’avenir des sociétés de la région.
L’enjeu de l’eau en Méditerranée
Cet enjeu n’est pas nouveau et s’inscrit dans une histoire longue. Au cœur de la civilisation arabo-andalouse, la question de l’accès et de l’exploitation de cette ressource fait l’objet d’une attention séculaire dans toutes les sociétés méditerranéennes. Celles-ci vivent dans un environnement où les précipitations, faibles et très irrégulières, font de l’eau une denrée rare. Nombre de sources antiques, profanes ou religieuses, attestent de son caractère vital en Méditerranée. Aussi n’est-il pas étonnant que le secteur hydraulique se soit épanoui dans cette zone.
L’inégalité des Méditerranéens devant l’accès à l’eau
Les Méditerranéens ne sont pas égaux devant l’accès à l’eau. Les pays du pourtour méditerranéen se caractérisent en effet par une répartition très inégale de cette ressource vitale et stratégique. Le Plan Bleu (centre d’activités et d’études créé en 1978 dans le cadre du Plan d’action pour la Méditerranée du Programme des Nations-Unies pour l’environnement (PNUE), classe les pays méditerranéens en trois catégories. Tout d’abord, ceux (des pays européens) dont les ressources abondantes et à demande en eau sont stables, voire en baisse. Puis, ceux (Espagne, Maroc, Chypre, Turquie, Syrie et Liban) dont les ressources sont excédentaires, mais aux demandes plus ou moins croissantes, et qui sont victimes de pénuries conjoncturelles, voire structurelles, en raison des sécheresses répétitives et de la désertification. Enfin, les pays arides dont les ressources sont déjà saturées ou presque et dont la pénurie structurelle s’aggrave en raison de la croissance démographique.
L’eau se concentre à près de 70 % dans les pays tempérés de la rive nord. Les Pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée (PSEM) se trouvent dans une situation de stress hydrique, certaines populations subissant une véritable pénurie. La fracture hydraulique traverse les territoires nationaux (centre/périphéries), y compris l’intérieur des villes.
L’augmentation de la consommation d’eau
Face à la progression de la demande en eau et l’insuffisance de cette ressource, les pays riverains de la Méditerranée sont confrontés à plusieurs défis : gérer durablement des ressources hydriques limitées; assurer l’accès à l’eau potable; et inciter les usagers à des comportements économes en eau (H. Boyé, 2008). En réponse à ces défis, les pays du bassin méditerranéen privilégient encore le développement de l’offre : exploitation des eaux souterraines; aménagements hydrauliques; et recours aux eaux non conventionnelles grâce au recours aux techniques de dessalement des eaux de mer ou des eaux saumâtres. Toutefois, les solutions résident aussi dans l’amélioration de la gestion des ressources et la lutte contre la corruption qui nuit à la bonne gouvernance des structures étatiques et locales ayant la responsabilité de la « politique de l’eau ».
L’eau comme source de conflictualité en Méditerranée?
L’eau est perçue par les puissances étatiques comme un enjeu de développement, mais aussi de sécurité nationale. De nombreux accords interétatiques ont été conclus sur la gestion transfrontalière de l’eau, les tensions perdurent néanmoins. Certes, les guerres et différends interétatiques ou infranationaux n’ont pas l’eau pour cause unique : l’enjeu hydraulique peut aggraver des situations déjà conflictuelles. Il n’empêche, l’« hydro-conflictualité » (litiges liés à la répartition du débit de fleuves et de rivières ou à l’exploitation de ressources hydrauliques) est une donnée à prendre davantage en compte dans la géopolitique de la Méditerranée.
Parmi les principaux théâtres de cette hydro-conflictualité, le Moyen-Orient est un lieu où la rareté de l’eau en fait mécaniquement un enjeu stratégique : le fleuve Litani oppose le Liban et Israël; tandis que le Jourdain met aux prises la Jordanie, la Syrie, Israël et les territoires palestiniens de Cisjordanie.
Les vides juridiques, le déficit de volontarisme politique, mais aussi le traitement de l’eau comme simple bien ou marchandise montrent combien l’« or bleu » est une source potentielle de conflictualité inter-méditerranéenne.