De la hausse des coûts et des charges financières aux tensions fiscales, les prix d’offre s’affolent.
L’économie tunisienne est confrontée à une combinaison inédite de facteurs conjoncturels et structurels qui soutiennent la hausse des coûts et des prix.
Face à la hausse des prix, beaucoup considèrent que la banque centrale constitue le « pare-feu ». Sans aucun doute, mais assurément dans la lutte contre la très forte inflation (à deux chiffres).
En particulier, la BCT avait fortement augmenté son taux directeur à maintes reprises, provoquant une désinflation – mais très insignifiante- mais surtout un repli très prononcé de l’activité avec une hausse très significative du chômage.
Pour autant, la BCT arbitre encore volontairement entre les évolutions de l’inflation et de l’activité (et donc de l’emploi). En limitant, en définitive, les effets des soutiens budgétaires/fiscaux à l’entreprise par un durcissement inapproprié de sa politique monétaire.
Mais derrière ces facteurs, les conditions de l’inflation sont d’abord rendues possibles par le fait politique.
Avant la transition politique de 2011, la régulation, via une relance budgétaire et/ou monétaire trop vigoureuse, était potentiellement inflationniste du fait des tensions sur les capacités. La création monétaire se déversait dans l’économie réelle via des commandes publiques et/ou privées généraient à terme, des tensions sur les couts et les prix via une surchauffe diffuse et une hausse des coûts et des prix d’offre.
Aujourd’hui, pendant la crise transitionnelle amplifiée par la crise financière imposée par un déficit public croissant et son financement, le système productif tourne très en deçà de son potentiel de capacités. Bon nombre de firmes sont en chômage partiel ou total. Et on ne peut plus parler de « tensions sur les capacités, ni de surchauffe « inflationniste ».
Mais alors, d’où proviendrait la hausse des prix ? Si, sur le plan monétaire, les liquidités injectées ne sont pas à l’origine d’une augmentation de la demande (réelle) privée de consommation et d’investissement qui s’adresse aux entreprises, alors d’où vient l’inflation des prix ?Et surtout, que font les autorités monétaires, fiscales ?
Bien entendu, ces dernières savent tout cela. Elles bétonnent le discours, elles n’ont jamais voulu reconnaître que leurs actions non conventionnelles (par la hausse des taux de l’intérêt et de l’imposition) sont à sens unique, qu’une fois lancées ces actions s’inscrivent et laissent des traces. Des traces irréversibles, aux effets pervers cumulatifs. Et que finalement quelqu’un va payer. Et les indicateurs récemment publiés par l’INS le montrent.
Dans l’euphorie d’une transition chaotique, ces mêmes autorités avaient rêvé que ces actions ne soient que temporaires et que la reprise économique réelle se rattraperait en quelque sorte : les indicateurs économiques et financiers se rétabliront. Il n’en fut rien. De l’imaginaire au réel, le fossé se creuse. Jamais l’économie réelle de la Tunisie n’a rattrapé la sphère financière et monétaire. Il a fallu toujours, poursuivre la fuite en avant.
Pourquoi ? Parce qu’elles ont oublié que dans la théorie dominante actuelle : l’inflation n’a pas seulement des causes réelles, elle est fortement corrélée aux anticipations ! Tout est affaire de croyance, donc il suffit d’être assez doué pour agir sur les croyances.
Pour stopper la spirale des prix en Tunisie, il est crucial de comprendre les causes profondes de cette inflation. Plusieurs facteurs contribuent à cette situation, notamment les fluctuations des cours mondiaux des matières premières, les pressions inflationnistes dues à la dépréciation de la monnaie nationale, ainsi que les déséquilibres structurels de l’économie tunisienne, tels que le chômage élevé et la faible productivité.
Une première mesure consisterait à renforcer plus vigoureusement la politique monétaire en stabilisant la valeur du dinar par rapport à l’euro et du dollar. La Banque centrale pourrait intervenir sur les marchés des changes pour limiter plus efficacement la dépréciation du dinar tunisien. Cela permettrait de contenir l’impact de la hausse des prix des produits importés sur l’inflation intérieure.
Parallèlement, il serait nécessaire de mettre en place des politiques fiscales visant à stimuler judicieusement la production nationale, au détriment des importations anarchiques. Cela pourrait passer par des incitations fiscales pour les entreprises locales, afin d’encourager l’investissement et la création d’emplois. De plus, il est important de soutenir les secteurs privés productifs, tels que l’agriculture et l’industrie, pour réduire la dépendance aux importations et stabiliser les prix des produits de base.
En outre, des mesures de contrôle des prix pourraient être envisagées pour les produits de première nécessité avec la mise en place de stocks régulateurs, d’un contrôle drastique des marges, … Cela pourrait se traduire par la fixation de prix plafonds pour certains produits, en particulier les denrées alimentaires et les médicaments, afin de protéger les consommateurs les plus vulnérables.
Enfin, à moyen terme, il serait essentiel d’investir dans l’éducation et la formation professionnelle pour améliorer la productivité du travail et réduire le chômage structurel (nous y reviendrons). Un marché du travail plus dynamique et compétitif contribuerait à atténuer les pressions inflationnistes liées à la rareté de l’emploi.
En définitive, pour stopper la spirale des prix en Tunisie, il serait vital de coordonner formellement les mesures monétaires, fiscales et structurelles, via un « Conseil Economique et Social ». Ces mesures devraient viser à stabiliser la monnaie nationale, stimuler la production locale, contrôler les prix des produits de première nécessité et améliorer la productivité du travail.
** Dr. Tahar EL ALMI,
Prof Associé à l’IHET,
Institut des Hautes Etudes-Tunis,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG)