Austérité ou relance ? Le débat biaisé… Le nouveau patron de la BCT, M. Fethi Zouhair Nouri, en bon nouveau keynésien, a jeté le pavé dans la mare : « L’économie tunisienne fait face à des défis majeurs mais recèle des opportunités qu’il faudrait saisir. Les banques sont appelées à redoubler d’efforts afin d’apporter leur contribution à la relance économique ».
L’erreur de calcul des économistes orthodoxes, qui prônent la rigueur comptable et condamnent les déficits publics, est désormais largement connue. Elle affaiblit les partisans de l’austérité, qui l’utilisaient pour baliser la feuille de route de leur obsession de l’équilibre macroéconomique opérationnel. A la clé, leurs avertissements selon lesquels bon nombre de régimes politiques se sont démantelés sous leurs déficits publics. Malgré ces avertissements récurrents selon lesquels tous les empires déchus se sont effondrés sous le poids de leurs dettes, d’une part, et, d’autre part, pour distancer les économistes keynésiens hétérodoxes qui répètent depuis les années 60 que les dettes publiques doivent être gérées de manière différente en période de récession. Cette duplicité majeure remet en question les arguments en faveur de l’austérité. Elle génère des débats animés et détourne l’attention de la problématique de la finalité de l’économie en crise.
Pour autant, c’est sous le poids des dettes privées, dont le secteur bancaire est largement responsable, que l’économie tunisienne fléchit depuis plus de QUATRE décennies.
En Tunisie, la relation entre la crise financière et les dettes privées est bien plus évidente que la corrélation hypothétique entre la masse monétaire, les déficits publics et la crise économique multiforme que traverse la Tunisie depuis la transition politique des années 2011-2015. Les excès de crédit accordés par un système bancaire dérégulé ont largement contribué à l’implosion et la défragmentation de la sphère monétaire et de la sphère réelle, bien plus que la finalité et l’ampleur de l’endettement excessif des gouvernements successifs 2018-2023.
… Il est crucial de reconnaître que le secteur privé en Tunisie, en particulier financier, n’est pas simplement confronté à une crise de liquidité « conjoncturelle », mais à une véritable crise de solvabilité potentielle. Dans de telles circonstances, la seule manière de remédier à cette situation serait de redresser « structurellement » l’économie et d’obliger les actionnaires des banques à subir des pertes.
En réalité, la finalité et la grandeur des dettes privées sont un indicateur bien plus fiable que les déficits publics, pour comprendre la crise financière actuelle, où les dettes du secteur privé, entre dettes illégitimes, dettes illégales et dettes odieuses, fragilisent le système bancaire tunisien.
Il est désormais évident que les problèmes en Tunisie sont destinés à persister, enlisés dans les méandres de créances douteuses et insolvables encore inscrites au bilan des banques tunisiennes. De même qu’il est crucial de reconnaître que le secteur privé en Tunisie, en particulier financier, n’est pas simplement confronté à une crise de liquidité « conjoncturelle », mais à une véritable crise de solvabilité potentielle. Dans de telles circonstances, la seule manière de remédier à cette situation serait de redresser « structurellement » l’économie et d’obliger les actionnaires des banques à subir des pertes.
Pour ce faire, il est essentiel de scinder les grandes banques, car il est indéniable qu’un système bancaire sur-dimensionné ou sous-dimensionné par rapport à la sphère réelle nuit gravement à l’économie ; étant donné que des bénéfices bancaires démesurés (2020-2023) sont quasi-systématiquement le signe d’une économie malade. Et il n’est pas « scandaleux » que les profits des banques soient limités en permanence par leur État de tutelle, en l’occurrence la BCT.
Le poids disproportionné du secteur bancaire par rapport aux autres secteurs d’activité est un signe clair d’une économie défaillante, déviante, au bord de l’effondrement financier. De plus, l’avidité du système bancaire se fait toujours et inévitablement au détriment de l’économie réelle traditionnelle et de leurs employés et/ou de leurs clients. Et d’ailleurs, il est facile de constater empiriquement que bien que ce soient les entreprises qui contractent les dettes, ce sont toujours leurs employés et/ou des consommateurs qui en subissent les conséquences, sous forme de limitation de salaires et/ou d’augmentation des prix d’offre.
Le poids disproportionné du secteur bancaire par rapport aux autres secteurs d’activité est un signe clair d’une économie défaillante, déviante, au bord de l’effondrement financier.
De fait, les risques pris par les entreprises sont rémunérés par une augmentation de leurs profits, et toujours aux dépens des salaires et du pouvoir d’achat de leurs employés et/ou des ménages.
La seule solution pour assainir l’économie tunisienne, à ce niveau, serait de réduire de manière significative la part des bénéfices du secteur bancaire et financier.
Pour autant, il est indéniable que la « sur-dimension » des banques que préconisent certains banquiers de la place et de leurs affidés, via des fusions bancaires, conduit toujours à un système de Ponzi, mettant ainsi en péril la stabilité et la viabilité de la « vraie » économie, l’économie réelle.
Les débats passionnés pour ou contre l’austérité, toute l’austérité, passent à côté de l’essentiel, d’autant plus que la dette publique tunisienne n’est pas apparue miraculeusement. Pas plus que la dette privée. En réalité, ce sont les banques de la place et le système financier tel qu’il a été initié et mis en place depuis 1993, dans son ensemble, sous le vocable biaisé « libéralisation financière », qui ont été boostés, pendant qu’il est exigé du Tunisien de serrer la ceinture au motif de la contrainte financière. En un sens, l’austérité et la politique expansionniste (de relance) sont simplement deux aspects d’une même réalité, tant que perdurera une situation où les profits financiers sont privatisés et les pertes socialisées, ni l’une (Austérité) ni l’autre (Relance) ne fonctionneront efficacement.
A suivre…
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* (cf : « Un secteur financier en déroute ? » Banque mondiale : https://www.banquemondiale.org › tunisia-reportPDF) et
* « Le secteur de la banque de détail en Tunisie » : OCDE« https://www.oecd-ilibrary.org/sites/04d31513-fr/index.html?itemId=/content/component/04d31513-fr ).
* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG)