Le commerce international est un reflet direct de l’état de l’économie mondiale. Les échanges révèlent l’appétit des consommateurs pour les biens finaux, ainsi que les besoins des entreprises en biens intermédiaires et en biens d’équipement. Ainsi, les volumes d’échanges fluctuent en fonction des cycles mondiaux d’expansion et de contraction de l’économie et constituent des indicateurs très instructifs des conditions macroéconomiques.
Au cours des cinq dernières années, le commerce a fait preuve d’une remarquable volatilité. Après l’effondrement brutal des volumes d’échanges mondiaux en 2020, provoqué par le choc de la pandémie de Covid, un fort rebond en 2021 a contribué de manière significative à la reprise post-pandémique. Toutefois, l’année 2022 a été marquée par une forte décélération de l’activité commerciale dans un contexte difficile de hausse des taux d’intérêt, d’inflation élevée et de protectionnisme croissant. La croissance du commerce en 2023 a été encore plus décevante, les dernières estimations préliminaires suggérant qu’elle s’est contractée de 0,3 %. Au cours des 40 dernières années, une contraction du commerce n’a été observée qu’en 2009 à la suite de la crise financière mondiale (GFC), et en 2020 avec la pandémie de Covid.
Nous pensons que, même si la croissance du commerce se rétablit à environ 2,8 % cette année, ce chiffre est nettement inférieur à la moyenne historique à long terme de 4,6 % pour la période 2000-2022. Dans cet article, nous examinons les facteurs cycliques et structurels qui limiteront la reprise du commerce à un rythme inférieur à la moyenne historique.
Tout d’abord, la récession manufacturière mondiale touche à sa fin, mais la reprise sera limitée. Tout au long de l’année 2023, l’activité manufacturière est restée faible. Cette « récession manufacturière » est le résultat d’une série de facteurs : le déplacement post-pandémique de la consommation vers les services, l’augmentation du coût de la vie, le resserrement des conditions financières et un rebond plus faible que prévu de l’industrie manufacturière chinoise. Mais ces vents contraires s’estompent progressivement et le ralentissement de l’activité manufacturière a atteint son point le plus bas.
Nous prévoyons une reprise de l’activité industrielle mondiale grâce à l’assouplissement des conditions financières, à la baisse de l’inflation et à la résistance de l’économie mondiale. Toutefois, la reprise sera freinée par des stocks encore élevés, car le déstockage pèsera sur l’industrie manufacturière jusqu’à ce que les niveaux de stocks se normalisent. En outre, les indicateurs prospectifs pointent toujours vers une croissance inférieure à la tendance. Par conséquent, la reprise de l’industrie manufacturière ne donnera qu’une modeste impulsion à la croissance du commerce mondial cette année.
En second lieu, les politiques protectionnistes et les barrières commerciales continuent de se multiplier à l’échelle mondiale. Le nombre de nouvelles restrictions commerciales dans le monde est passé de moins de 1 000 par an avant 2019 à plus de 3 000 en 2023. Mais en plus des formes traditionnelles de restrictions, les obstacles au commerce commencent à prendre une nouvelle forme.
Les efforts d’atténuation du changement climatique entraînent une augmentation des mesures non tarifaires (MNT) qui impliquent de nouvelles restrictions indirectes au commerce. Les MNT liées au changement climatique peuvent inclure des conditions relatives aux normes d’émission pour les machines et les véhicules, des réglementations en matière d’efficacité énergétique, des exigences en matière d’empreinte carbone, etc. Les Nations unies ont recensé 2 366 MNT liées au climat qui régissent des échanges commerciaux d’une valeur de 6 500 milliards de dollars, soit 26,4 % du total mondial. Chaque mesure technique a une incidence moyenne sur les coûts de fabrication estimée à 3,4 %. À l’avenir, l’accumulation de barrières commerciales et de nouvelles réglementations commerciales liées au changement climatique représentera un obstacle important à l’expansion du commerce mondial.
En troisième lieu, le ralentissement de la croissance de l’investissement dans les marchés émergents (ME) constitue un frein majeur à la croissance du commerce mondial. L’investissement dans les marchés émergents est plus intensif en importations que d’autres composantes de la demande, en particulier en ce qui concerne les échanges de biens d’équipement. Au cours des années précédentes, la forte croissance de l’investissement a été soutenue par une expansion robuste du crédit, des entrées de capitaux, des améliorations des termes de l’échange et des réformes visant à améliorer le climat d’investissement. Au cours de la période 2000-2010, la croissance de l’investissement dans les pays émergents s’est élevée en moyenne à 9,4 %, avant de chuter à 4,8 % au cours de la période 2011-2021. Ce ralentissement a été généralisé à toutes les régions de la zone euro et s’explique par des facteurs tels que des niveaux d’endettement élevés, une plus grande incertitude économique et géopolitique, et le rééquilibrage de la Chine en faveur de la consommation et au détriment de l’investissement et des exportations. Il est important de noter que nous nous attendons à ce que cette tendance négative persiste. Compte tenu de son rôle essentiel dans les flux commerciaux mondiaux, le ralentissement de l’investissement dans les pays émergents laisse présager un important vent contraire pour le commerce mondial cette année.
En résumé, même si nous prévoyons une reprise cette année, la croissance du commerce restera inférieure à sa moyenne à long terme, en raison d’une reprise modeste de l’industrie manufacturière, de l’augmentation des distorsions commerciales et de la décélération de l’investissement dans les pays émergents.
Source communiqué QNB