La Banque Centrale de Tunisie (BCT) a publié un communiqué le 22 mars 2024, soulignant que malgré une détente graduelle de l’inflation, celle-ci devrait rester élevée, atteignant environ 7% en moyenne en 2024, avec des risques de pressions haussières liées à des facteurs tels que la remontée des prix internationaux, le stress hydrique accru et les pressions sur les finances publiques. Pour maintenir l’inflation à la baisse, la BCT insiste sur la nécessité de contenir la demande excessive par rapport aux capacités de production du pays.
Ainsi, le maintien du taux directeur à 8% est jugé primordial pour consolider le processus désinflationniste et assurer la résilience du taux de change du dinar. Le ciblage de l’inflation est mis en avant comme un mécanisme efficace pour atteindre cet objectif, en fixant un taux d’inflation à ne pas dépasser et en prenant des mesures pour l’atteindre.
Ce ciblage présente plusieurs avantages, notamment la stabilité des prix, essentielle pour l’économie, en permettant aux consommateurs et aux entreprises de prendre des décisions financières à long terme, favorisant ainsi la croissance économique et l’emploi.
Par ailleurs, Moody’s a maintenu les notes de la Tunisie et amélioré sa perspective de négative à stable, attribuant cette décision à la réduction du déficit de la balance courante et aux progrès des réformes structurelles.
Ce communiqué explicite, nous suggère un certain nombre de remarques, en rapport à la conduite de la politique de régulation économique : « Lutte contre l’inflation ou création d’emplois ? La BCT a-t-elle choisi ?
Il met en lumière plusieurs points clés concernant la politique de régulation économique. Il interroge sur le choix entre la lutte contre l’inflation et la création d’emplois, tout en soulignant les défis rencontrés par la Banque Centrale de Tunisie (BCT) dans la gestion de ces objectifs contradictoires.
La BCT a récemment remporté une victoire limitée dans la lutte contre l’inflation, en maintenant les salaires en dessous de la productivité. Cependant, ses efforts pour lutter contre la récession ont été moins fructueux, entraînant une augmentation du chômage en Tunisie. Ce bilan mitigé, résultant d’une stratégie monétaire agressive, a contribué à l’acceptation du chômage élevé comme une nouvelle norme sociale.
Bien qu’un faible taux de chômage incite souvent à la hausse des salaires et donc à l’inflation, la BCT maintient son taux d’intérêt directeur élevé pour contenir le chômage, soutenir la stabilité des prix, protéger les épargnants et les entreprises, et maintenir les marchés boursiers stables.
Cependant, cette approche s’avère moins efficace en période de crise multiforme (politique, sociale, économique et financière).
Il est important de noter que notre ZOOM ne défend pas l’inflation, mais souligne qu’il aurait été préférable que la BCT ait un bilan plus équilibré entre la lutte contre l’inflation et la lutte contre le chômage et la récession.
La BCT a récemment manifesté une prise de conscience en annonçant pour la première fois la poursuite de son programme avec pour objectif affiché la maîtrise de l’inflation et la réduction du chômage.
Cependant, jusqu’à fin 2023, la BCT n’avait pas exprimé publiquement sa préoccupation concernant le chômage, le considérant comme un moyen acceptable pour atteindre son objectif de stabilité des prix[1]. Bien que l’objectif de la BCT d’un taux de chômage de 16,5% puisse sembler encore réservé, l’amélioration du marché du travail contribuera à résorber les déficits.
Cette évolution de la politique de la BCT est perçue comme une « révolution des mentalités » (?), bien que ses effets réels restent incertains pour la société tunisienne.
* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG)
[1]https://www.bct.gov.tn/bct/siteprod/actualites.jsp?id=1072;
https://www.bct.gov.tn/bct/siteprod/actualites.jsp?id=1069