Notre maison s’est agrandie. Avec deux chambres, elle est devenue plus spacieuse et il y fait, désormais, bon vivre. C’est vrai que dans notre maison la plomberie fuit de partout et que la toiture risque de tomber sur nos têtes, mais qu’importe. L’essentiel est qu’on dispose d’une nouvelle chambre où nos convives devenus nombreux peuvent piquer un roupillon tranquille.
Vous avez deviné qu’on parle du Conseil national des régions et des districts. De nouveaux élus ajoutés à une liste déjà bien fournie d’hommes et de femmes chargés, nous dit-on, de nous accompagner à sortir le pays de l’impasse. C’est ce que nous sommes censés croire, cela tombe sous le sens, sauf que les apparitions sporadiques de ces élus de la nation en quelques occasions remarquées, mais guère remarquables sur le fond, entretiennent très éventuellement l’illusion, mais ne donnent pas vraiment à conséquence.
Il ne s’agit pas, bien sûr, de cette séquence loufoque transmise en direct sur la chaîne publique d’un malheureux élu qui, répondant à un appel téléphonique, n’avait pas fait gaffe que les caméras enregistraient. On a bien ri en l’écoutant dire à son copain : « Je me balade où je veux… Je circule où je veux… Il est à moi ce Conseil…», sauf que le gag en dit long sur un état d’esprit. En somme, le « lapsus » fut révélateur et toutes les élucubrations de dénégation n’y font plus grand-chose. Par définition, la communication est ratée quand elle ne prend pas en compte les conditions de sa réception.
Le constat général est d’ailleurs que la « jeunesse en politique » de la nouvelle classe dirigeante occasionne des malfaçons, quand elle ne crée pas des tensions. On était sur le registre du traitement des « malversations et de la corruption » et on s’est retrouvé dans la polémique sur les complots ourdis par des puissances occultes pour porter atteinte à la nation à travers des vendus à la solde de la gent maçonnique. Que la Justice, à la rescousse, ait réussi, en l’espace de quatorze mois, à démêler le vrai du faux ne fait, finalement, que renforcer les appréhensions. Quand les ordres d’inculpation se suivent et se ressemblent, la liberté d’expression prend des allures de pugilat.
A qui la faute ? Probablement à la fébrilité des uns et des autres, engagés dans une course contre la montre pour gagner une place de député. La surabondance des infos à ce sujet ne doit pas cacher l’essentiel : les nouveaux arrivants manquent encore de professionnalisme pour ce qui est de la « vente » de leur politique. La campagne électorale a pu faire illusion, sauf que le taux de participation en dit long sur le reste. Le reste est que l’Histoire retiendra surtout les impairs qu’il va bien falloir récupérer. Il a en effet souvent été reproché aux nouveaux élus d’avoir tardé, sinon ignoré, les populations laissées pour compte.
A contrario, on comprend un peu mieux pourquoi il y a un véritable gouffre entre les discours politiques et la réalité sur le terrain. Il n’y a vraiment plus de quoi s’étonner à constater le désaveu des urnes que l’on observe encore plus à chaque échéance. Les jeux de dupes n’amusent plus du tout, en tout état de cause n’améliorent pas le quotidien des damnés du transport en commun et du panier de la ménagère. Beaucoup se rabattent bien entendu sur les feuilletons télévisés servis pour tenir lieu de somnifère collectif. Les grands enfants de la politique dite nationale aussi, même quand ces derniers construisent leur propre feuilleton avec force couleuvres.
Il n’y a en effet pas grand-chose à dire quand les mauvaises nouvelles sur les fermetures d’entreprises se suivent. La bataille de l’emploi, celle qu’on promettait de gagner à tout prix, est vraiment très mal engagée. Mais qu’importe, cela n’est qu’un détail. L’essentiel, c’est que nous disposons d’une grande maison. Et puis, pour les chômeurs en devenir, on pourra toujours ajouter une nouvelle chambre… à coucher
Mot de la fin est disponible dans le Mag de l’Economiste Maghrébin n 893 du 24 avril au 8 mai 2024