Il a 81 ans et est encore si jeune, si innocent, interpellant les jeunes et moins jeunes, et ne renonçant jamais à une question une fois qu’il l’a posée. C’est bien du Petit Prince de l’écrivain français Antoine de Saint-Exupéry (1900-1944) qu’il s’agit. Cette œuvre continue à séduire petits et grands. Traduite en cinq cent trente-cinq langues et dialectes différents, Le Petit Prince est l’ouvrage le plus traduit au monde après la Bible. Il existe même une traduction en dialecte tunisien faite par l’écrivain Dhia Bousselmi. Voici que le metteur en scène tunisien Taher Issa Belarbi l’adapte dans une pièce de théâtre éponyme en dialecte tunisien dont l’avant-première s’est déroulée le 9 mai 2024 au Théâtre des régions à la Cité de la culture à Tunis.
En effet, malgré quelques changements opérés par rapport à la nouvelle, le metteur en scène a su préserver la poésie du texte tout en lui ajoutant une dose d’humour et des situations qui prêtent à sourire et suscitent l’émotion. Si dans le roman original l’avion du pilote (interprété par le comédien Lamine Nahdi) a échoué en plein désert (sans préciser de quel désert il s’agit), celui de la pièce a échoué dans le désert tunisien.
Si Antoine de Saint-Exupéry a misé sur l’intemporalité et le désert en tant que synonyme du mystère, le metteur en scène tunisien a misé sur un ancrage dans la réalité tunisienne (noms de villes tunisiennes, pratiques tunisiennes et dialecte tunisien). Cet ancrage présente une nouvelle conception de l’œuvre mondialement connue, surtout que la lecture de l’œuvre littéraire est toujours plurielle et pourrait être revisitée à la guise des écrivains, dramaturges et metteurs en scène. La lumière, les passages vidéo projetés dans le cadre de la pièce théâtrale, les tableaux de chorégraphie, et l’enfant acteur Yoser Khiari qui a su parfaitement incarner le rôle du Petit Prince ont contribué à créer un univers poétique et onirique transportant les spectateurs ailleurs. À noter que les comédiens Khaled Zidi, Wahida Ferchichi, Yosr Khiari et Sara Tanoubi ont interprété les autres rôles dans la pièce.
Dans une déclaration à L’Économiste Maghrébin, Taher Issa Belarbi affirme que l’idée d’adapter Le Petit Prince a germé dans son esprit depuis environ six ans. Au début, il a pensé à deux comédiens pour incarner le rôle du pilote, à savoir Lamine Nahdi ou Fathi Haddaoui, pour finalement choisir le premier. Grâce au ministère des Affaires culturelles, il a pu assurer le financement de la production, étant donné que le département a financé le projet à hauteur de 60%. Quant aux 40% restants, ils ont été assurés par une boîte de production privée.
Sur le choix de l’adaptation du Petit Prince, il affirme que cette nouvelle est parmi les œuvres qui lui tiennent à cœur depuis de longues années, et à cela s’ajoute qu’il estime que son univers, qui rime avec le mysticisme, le désert et la recherche de l’absolu, concorde avec la civilisation arabe. Le metteur en scène estime que ce roman interpelle également les Arabes sur ce volet-là.
Répondant à notre question sur les raisons pour lesquelles il a choisi la Tunisie comme cadre spatial pour le déroulement de son adaptation, le metteur en scène affirme ceci: « Je m’adresse à des spectateurs tunisiens et j’ai toujours tunisifié les œuvres étrangères que j’ai adaptées ». À noter que le metteur en scène a dédié son œuvre à « tous les petits princes de Gaza ».