La séquence meurtrière née le 7 octobre dernier a remis la question palestinienne au cœur de la scène diplomatique. Sa marginalisation par les acteurs régionaux et internationaux n’a pas résisté à la résilience du peuple palestinien et à la mobilisation mondiale face à l’offensive militaire israélienne sur Gaza. Les manifestations des sociétés civiles de par le monde se conjuguent aux initiatives diplomatiques étatiques. Si certains Etats européens (comme l’Espagne et l’Irlande) s’apprêtent à reconnaître l’Etat de Palestine, ces initiatives ont déjà abouti au renforcement du statut de la Palestine à l’ONU, cadre institutionnel de la « communauté internationale ».
En effet, selon la résolution très largement adoptée par l’Assemblée générale le 10 mai dernier, la Palestine répond aux critères nécessaires pour devenir un Etat membre à part entière de l’ONU. Elle vient infirmer une décision négative du Conseil de sécurité à ce sujet, et lui met ainsi la pression pour reconsidérer sa position. De fait, ce sont les Etats-Unis qui sont ainsi visés, puisque c’est eux qui continuent de faire obstacle. En attendant, l’Assemblée générale de l’ONU a octroyé de nouveaux droits à la Palestine, en tant que membre observateur. L’ambassadeur israélien, Gilad Erdan, a accusé l’Assemblée d’un « vote destructeur » de la Charte des Nations unies …
Si cette résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies ne crée pas un Etat souverain et indépendant palestinien, elle contribue à renforcer le processus vers la reconnaissance de sa qualité étatique. Ce vote par l’Assemblée générale des Nations Unies est aussi une manière de responsabiliser la communauté internationale sur un dossier par trop synonyme d’impasse. Si une large majorité de la communauté des Etats a soutenu la reconnaissance du nouveau statut onusien à la Palestine, une partie des chancelleries occidentales continuaient à se réfugier derrière une ligne politique peu convaincante, selon laquelle la perspective d’un Etat palestinien souverain est souhaitable – voire inéluctable – mais prématurée…
L’impératif d’une solution concertée avec Israël, idéal sur le papier, revenait en pratique à soumettre toute reconnaissance de l’Etat palestinien à l’accord préalable d’Israël, alors même que ce dernier défend l’idée d’une négociation sans condition, c’est-à-dire sans arrêt de l’occupation et de la colonisation.
Le message onusien est clair : le sens de l’Histoire commande la reconnaissance/création d’un Etat palestinien. C’est un message qui s’appuie à la fois sur le principe de l’autodétermination des peuples, mais aussi sur la condamnation de la stratégie d’occupation et de colonisation dans laquelle s’est engagé l’Etat israélien. Cette politique guidée par la seule obsession sécuritaire constitue une impasse mortifère. Une voie sans issue pour le peuple israélien lui-même, une voie interdite par le droit international et rejetée par la communauté internationale.
La politique coloniale israélienne n’échappe pas aux prescriptions du droit international; même si en pratique, ses violations ne sont nullement sanctionnées. La longue litanie des projets de colonisation annoncés régulièrement par les gouvernements successifs viole les propres engagements internationaux de l’État israélien. Lequel ratifia (en 1951) la IVème convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, du 12 août 1949, et applicable aux territoires occupés par Israël depuis 1967, y compris Jérusalem-Est.
L’article 49 de ce texte phare du droit international humanitaire interdit en effet l’implantation de populations nouvelles dans un territoire conquis à la suite d’un conflit : « La puissance occupante ne pourra procéder à la déportation ou au transfert d’une partie de sa propre population civile dans le territoire occupé par elle ».
C’est sur ce fondement que les organes onusiens ne cessent de réaffirmer le caractère illégal de la colonisation israélienne. Ainsi, la résolution 465 (1980) du Conseil de sécurité des Nations unies rappelle que « la politique et les pratiques d’Israël consistant à installer des éléments de sa population et de nouveaux immigrants dans [les Territoires palestiniens occupés depuis 1967, y compris Jérusalem] constituent une violation flagrante de la [IV] convention de Genève […] et font en outre gravement obstacle à l’instauration d’une paix d’ensemble, juste et durable au Moyen-Orient. Cette résolution appelle ainsi Israël à démanteler les colonies de peuplement existantes ».
Il s’agit là de droit et de justice, des principes et valeurs sur le fondement desquels un Etat palestinien devrait exister.