L’inflation était partout… aujourd’hui, aussi… Sauf qu’elle est devenue un phénomène de gouvernance ! De la surchauffe artificielle à la hausse intempestive des coûts et des prix d’offre et de commercialisation. Comment ?
- Stocks des entreprises historiquement maintenus bas,
- Relance budgétaire asynchrone dans les différents secteurs,
- Hausse des prix des matières premières et des composants via une dépréciation du dinar,
- Hausses des coûts réels de la main-d’œuvre, via une régression de la lancinante baisse de la productivité du travail…
Il existe aujourd’hui une conjonction de facteurs inflationnistes structurels.
L’économie tunisienne est confrontée à une combinaison inédite de facteurs conjoncturels et structurels qui soutiennent la hausse des coûts et des prix.
Face à la hausse des prix, beaucoup considèrent que la Banque centrale constitue le « pare-feu ». Sans aucun doute, mais dans la lutte contre la très forte hausse des prix à la consommation.
En particulier, la BCT avait fortement augmenté son taux directeur à maintes reprises, provoquant une désinflation très insignifiante mais surtout un repli de l’activité et une hausse significative du chômage.
Aujourd’hui encore, la BCT arbitre volontairement les évolutions de l’inflation par rapport à celles de l’activité et de l’emploi. Cependant qu’elle semble amoindrir les effets des soutiens budgétaires par sa politique monétaire asynchrone.
Mais derrière ces facteurs, les conditions de l’inflation sont d’abord rendues possibles par le fait d’une gouvernance des marchés, notamment des produits.
Avant la crise transitionnelle amplifiée par la pandémie, la création monétaire se déversait dans l’économie réelle via les commandes publiques et généraient à terme des tensions sur les coûts et les prix : une surchauffe diffuse et une hausse des coûts et des prix d’offre.
Aujourd’hui, le système productif tourne très en deçà de son potentiel. Bon nombre de firmes sont en chômage partiel ou total. On ne peut plus parler de « tensions sur les capacités », ni de surchauffe « inflationniste ».
Mais alors, d’où proviendrait la hausse des prix ? Puisque, sur le plan monétaire, aujourd’hui, les liquidités injectées ne sont pas à l’origine d’une augmentation de la demande (réelle) qui s’adresse aux entreprises.
Donc, il conviendrait de chercher du côté de l’interface « secteur productif-ménage », c’est-à-dire de la distribution-commercialisation. Où il conviendrait de faire le ménage, en mettant en place une politique rigoureuse de concurrence, sous-tendue par une politique des marges commerciales.
À cet effet, le président de l’Organisation tunisienne d’orientation du consommateur, Lotfi Riahi, a confirmé que les marges bénéficiaires dans les grands espaces commerciaux atteignent 60 et 70 pour cent, et qu’elles sont la principale cause des prix élevés.
Lotfi Riahi a déclaré, le mardi 14 mai 2024, qu’à mesure que les prix d’un certain produit augmentent, les prix des services qui y sont liés augmenteront inévitablement.
Il a souligné qu’une initiative législative relative à la révision de la loi sur les services de coopération commerciale est en cours, pour permettre de diminuer tous les prix dans les principaux espaces commerciaux.
Parallèlement, Riahi a adressé un appel à l’autorité de contrôle pour qu’elle mette en place des procédures permettant de fixer les prix et de plafonner les marges bénéficiaires.
Enfin à un autre niveau et non des moindres, la situation financière des ménages en Tunisie est devenue préoccupante, comme le révèlent les données récentes de l’Institut national de la statistique. Entre 2015 et 2022, l’endettement des ménages a augmenté de 110%, doublant selon le compte national de patrimoine financier. Cette hausse soulève des inquiétudes quant à la viabilité financière des ménages et à leurs défis économiques.
Une partie importante de cet endettement est attribuée aux crédits immobiliers et à la consommation, cette dernière suscitant des inquiétudes quant à sa soutenabilité à long terme. Bien que l’investissement dans le logement puisse être perçu comme un investissement dans l’avenir, l’augmentation des crédits à la consommation pourrait limiter la capacité des ménages à consommer et à investir, ce qui pourrait entraver la croissance économique.
Cependant, une lueur d’espoir émerge de ces données : une partie de cet endettement est utilisée par les ménages pour investir dans le capital des entreprises, notamment les PME. Cela suggère une volonté de diversifier les investissements et de contribuer au développement économique.
Pour remédier à cette situation, il est crucial de promouvoir une gestion financière saine et responsable chez les ménages. Cela pourrait passer par des programmes de sensibilisation aux risques de l’endettement excessif et des mesures d’aide à la gestion de la dette.
Des politiques macroéconomiques visant à stimuler la croissance économique et à créer des emplois pourraient réduire la dépendance des ménages à l’égard de l’endettement, via une restauration de l’activité économique.
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* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
d’Economie Financière (IAEF-ONG)