Quatre jeunes filles candidates au baccalauréat furent empêchées de passer la dernière épreuve, étant arrivées 21 minutes en retard au centre d’examen à cause d’un cas de force majeure. Un exemple emblématique de la défaillance des moyens de transport dans les zones rurales.
Un fait divers banal ? Plutôt tragique, bouleversant et révoltant puisqu’il s’agit d’une tuile qui est tombée sur les têtes de quatre jeunes filles candidates au baccalauréat ; lesquelles, habitant dans une zone rurale au gouvernorat de Siliana, n’ont pas pu passer la dernière épreuve du concours, le 12 juin 2024, puisqu’elles sont arrivées en retard au centre d’examen. Faute de moyens de transport !
Disparités criardes
À qui la faute ? Aux inégalités flagrantes de chances entre les ruraux et les citadins ; aux disparités criardes entre les régions « privilégiées » et celles dites de « l’ombre » dans les domaines clés tels que l’éducation, la santé, l’emploi et les infrastructures ; aux établissements scolaires en milieu rural souvent moins équipés, les classes plus surchargées, ce qui se traduit par des taux d’abandon scolaire plus élevés et des performances académiques généralement inférieures par rapport aux zones urbaines. Enfin, aux infrastructures de transport également déficientes, les routes non asphaltées et mal entretenues rendant les déplacements difficiles, surtout pendant les saisons des pluies.
Un récit poignant
Mais donnons la parole à ces malheureuses candidates pour raconter de vive voix leur mésaventure et crier leur douleur et leur désespoir.
Dans un statut FB publié mercredi 12 juin 2024, Fadya Aouina écrit : « Moi-même et mes trois camarades, en l’occurrence Najet Aouina, Senda Ben Ahmed et Sabeh Biin Ezdiine, avons quitté nos domiciles à 6h du matin. Nous avons attendu à la gare jusqu’à 7h10. Nous avons appelé le chauffeur qui nous transportait habituellement, mais il n’était pas disponible. Nous avons appelé, en vain, plus de quatre chauffeurs. Finalement, un chauffeur de la ville de Rouhia est venu nous chercher à 7h50 et nous ne sommes arrivées au lycée qu’à 8h21 ».
« Nous étions en train de pleurer, a-t-elle poursuivi. Nous avons expliqué notre mésaventure aux surveillants. Toutefois, le directeur du lycée a refusé de nous laisser passer l’examen, malgré les demandes incessantes des surveillants, de l’inspecteur et du chef du centre d’examen. Aujourd’hui, nous avons été privées de passer notre examen parce que nous n’avons pas de transport ».
Et de conclure : « Nous sommes privées de réussite, et nos efforts, ainsi que ceux de nos familles sont tombés à l’eau. Ce n’est pas de notre faute si nous n’avons pas de transport […] Vous avez détruit en nous la joie de vivre ».
Poignant !
Manque d’humanité ?
Que dire devant la souffrance qui se dégage de ce récit somme toute révoltant ? Faut-il pour autant jeter la pierre au responsable du centre d’examen, qui, devant un cas de force majeure, a préféré appliquer strictement la loi, quitte à être soupçonné de manquer de compassion et d’empathie, voire d’humanité envers ces malheureuses jeunes filles ?
N’était-il pas du devoir moral de ce responsable de permettre aux quatre candidates de passer l’épreuve du bac après avoir dûment établi un PV, en présence du proviseur du lycée et des surveillants, pour fixer l’heure d’arrivée des candidates, d’expliquer la cause de leur retard et d’en informer la tutelle ?
Il faut dire que les directives du ministère sont claires là-dessus. En cas de retard, aucun candidat ne sera autorisé à accéder à la salle d’examen 15 minutes après la distribution des sujets. Aucun temps supplémentaire de composition n’est donné au candidat arrivé en retard.
À titre comparatif, une mésaventure pareille est arrivée il y a quelques années en France. Précisément à la Cité scolaire Aristide à Nantes où plusieurs candidats qui devaient passer leur bac de français sont arrivés en retard, mais ils furent refoulés. Pourtant, ces jeunes bacheliers avaient une bonne excuse : le pont de Saint-Nazaire, en Loire-Atlantique, était bloqué par des manifestants ; mais les règles du ministère de l’Éducation sont strictes : ils ont dû repasser leur bac en septembre.
Souplesse
Tel n’est pas le cas sous nos cieux puisque la ministre de l’Éducation, Saloua Abassi, en bonne mère de famille, a eu la sagesse de ménager l’intérêt de ces candidates et le strict respect des règlements : dans son intervention vendredi 14 juin 2024 sur les ondes de Mosaïque FM, elle est revenue sur le cas des quatre élèves n’ayant pas pu passer la dernière épreuve à cause d’un problème de transport. En précisant que le responsable du centre d’examen « avait respecté la loi et ne pouvait pas faire autrement ».
Toutefois, ces quatre élèves auront le droit de passer l’épreuve manquée lors de la session de contrôle prévue du 1er au 4 juillet prochain ; de plus, un moyen de transport sera mis à leur disposition si elles préfèrent ne pas rester au foyer scolaire mais chez leurs parents.
Tout est bien qui finit bien.