Des « nuages » s’amoncellent pour l’économie française en raison de l’intensification de l’instabilité politique. La France emprunte déjà à un coût plus élevé que le Portugal.
La Bourse de Paris a envoyé son propre message aux élites politiques françaises. La semaine du 10 juin 2024, l’indice des grandes capitalisations « CAC 40 » a plongé de 6 % (plus haut depuis deux ans) et se situe à son plus bas niveau depuis six mois. Le coup porté aux banques françaises a été particulièrement douloureux. Comme le notent les analystes sur la base des données du fournisseur de données britannique LSEG, BNP Paribas, Crédit Agricole et Société Générale ont perdu au total 19 milliards en une semaine, soit par rapport à la « clôture » de vendredi précédent.
Les marchés craignent clairement que si les sondages se confirment et que l’extrême droite remporte les élections générales de juillet, convoquées par le président français Emmanuel Macron après les élections européennes, le nouveau gouvernement français donne la priorité à une politique économique protectionniste et coûteuse qui obéit à la logique de la « France d’abord ». Résultat possible : porter la dette publique à des niveaux encore plus inconcevables.
Comme le note Mathieu Plein, analyste à l’institut économique OFCE, à l’agence AP, « les taux d’emprunt de l’État français commencent désormais à augmenter par rapport à leurs équivalents allemands. Ces derniers mois, ce n’était pas le cas, les spreads étaient plus ou moins élevés et moins stables, mais ils commencent maintenant à augmenter. Il s’agit d’un nouveau facteur de risque d’investissement, qui n’existait pas auparavant… ».
« Attitude d’attente » des investisseurs
En particulier, jusqu’à vendredi 14 courant, le spread français, la différence de prix entre le cours d’achat (offre) et le cours de vente (bid) coté pour un actif, avait augmenté de 78 points de base par rapport au taux d’intérêt allemand, considéré comme une référence pour la zone euro.
Les analystes de la banque suisse UBS ont déclaré à Reuters qu’il est possible que cette évolution soit due à des manœuvres tactiques visant à maximiser les rendements futurs. Mais en général, « nous estimons que les investisseurs adopteront une attitude attentiste jusqu’à ce qu’il y ait plus de clarté sur les alliances politiques et les politiques fiscales dans le cas où se produirait en France la fameuse « cohabitation ». C’est-à-dire la coexistence politique forcée et la symbiose d’un président et d’un Premier ministre issus de factions politiques différentes ».
L’effet des développements politiques est-il si important ?
L’économiste français Mathieu Plein s’inquiète et souligne que « la capacité à rembourser la dette est une indication de la crédibilité d’un gouvernement, de sa capacité à respecter les délais convenus, de sa stabilité. Des changements politiques radicaux peuvent faire naître des doutes sur la gestion des finances publiques sur notre capacité à rembourser la dette ou même à rester dans un cadre européen ».
Le fait est que, selon les données du LSEG britannique, à l’heure actuelle, pour le gouvernement français, le coût d’emprunt par l’émission d’obligations à dix ans est plus élevé que le coût correspondant pour le gouvernement portugais ! « Terreur à Berlin et à Bruxelles », tel est le titre de la revue économique allemande Handelsblatt à propos de l’évolution de la situation en France. Après tout, la dégradation de l’économie française par l’agence de notation S&P est récente.