Hamma Hammami qui s’extasie de la performance de la gauche française au second tour des élections législatives anticipées, finira-t-il par comprendre que seule la constitution d’un Front républicain à la tunisienne est en mesure de sortir la gauche de sa torpeur?
« La promptitude de l’alliance de la gauche française pour contrer la montée de l’extrême-droite est une leçon politique ». Ainsi se réjouissait le secrétaire général du Parti des Travailleurs, Hamma Hammami, en saluant la victoire de l’union de la gauche française au second tour des élections législatives anticipées. Et surtout, la performance de son ami, Jean-Luc Mélenchon, fondateur de la France insoumise. Alors que tous les sondages sans exception donnaient le Front national grand vainqueur de ce scrutin.
Pour rappel, le Nouveau Front populaire (NFP) est arrivé à la surprise générale en tête au soir du second tour; talonné par la coalition présidentielle Ensemble. Le Rassemblement national (RN) de Jordan Bardella et ses alliés ferment la marche en troisième position.
« Une claque pour Macron »
« Le soulèvement du peuple français qui compte dans ses rangs des milliers d’immigrés menacés par l’arrivée de l’extrême-droite au pouvoir est une leçon pour l’Europe et les populations arabes », s’est-il écrié, hier lundi 8 juillet 2024 au micro de Jawhara FM, dans l’émission « Politika ».
Tiers-mondiste attitré, l’ex-candidat à l’élection présidentielle a d’autre part estimé que la victoire de la gauche française était celle « de toute une classe sociale, celle des travailleurs, les souffre-douleurs du système capitaliste mondial ».
La victoire du Nouveau Front populaire constitue « une claque pour Emmanuel Macron qui a permis à l’extrême-droite de se rapprocher des portes du pouvoir, lui, qui a appauvri les travailleurs français et qui voulait envoyer les Français se battre en Ukraine », a-t-il encore estimé au micro de Zouheir El Jiss.
Il a révélé à ce propos que la victoire de la gauche française « n’est qu’un début et que la France a d’autres défis à relever ». Tout en citant à l’occasion Jean-Luc Mélenchon « un ami de longue date », avec qui, « il a pu échanger sur le climat politique en Tunisie et en France ».
De la nécessité de se remettre en cause
Que la figure de la gauche tunisienne et militant historique indiscutable contre les régimes répressifs de Bourguiba et de Ben Ali exprime son admiration pour la « promptitude » de la gauche française – qui a réussi l’exploit de constituer en un laps de temps très bref une coalition allant du Parti socialiste, aux Écologistes, en passant par le Parti communiste français et La France Insoumise; et ce, pour faire un barrage républicain contre l’extrême-droite est dans la nature des choses.
Guéguerre de chefs
Mais, le secrétaire général du Parti des travailleurs, Hamma Hammami, semble oublier qu’à part l’opposition indéfectible, il faut le reconnaitre, au parti et à l’islam politique coupable naufrage politique du pays et principal responsable de l’assassinat de Chokri Belaïd et de Mohamed Brahmi, respectivement leaders du Parti des patriotes démocrates (Watad) et du parti du Courant populaire; la fracture entre les courants politiques au sein de la gauche tunisienne est de plus en plus profonde. Et cela ne remonte pas à un passé récent.
Pour preuve? La réaction des uns et des autres à l’avènement du 25-Juillet 2021, la mise sur la touche de l’ARP à la triste renommée, au grand ouf de soulagement de la majorité des Tunisiens, suivie par la promulgation du décret 117 le 22 septembre 2021 et la suspension de la Constitution de 2014.
Ainsi, le Parti des travailleurs et Al-Joumhoury n’auront pas hésité à qualifier l’initiative historique du maître de Carthage de « coup d’État ».
Moins virulents et plus ouverts, le Courant démocratique et le Forum démocratique pour le travail et les libertés (Ettakatol) exprimèrent leur « opposition » à l’initiative présidentielle. La position des quatre partis évoluera avec une opposition plus frontale en constituant avec al-Qotb un « front progressiste d’opposition ».
Face à ce bloc, s’érige une partie de la gauche tunisienne en soutien « critique » au président de la République. Elle est composée principalement de partis de sensibilité nationaliste arabe à l’instar du Mouvement du peuple et du Courant populaire, mais surtout par des personnalités issues du Watad, à l’instar de Mongi Rahoui, un militant authentique réputé pour son combat acharné contre l’islamisation rampante de la société tunisienne.
Pour rappel, et pour illustrer le combat des chefs au sein de la famille de la gauche tunisienne, on relèvera que ce dernier avait largement contribué à l’implosion de la coalition du Front populaire en 2019, quand il décida de « tirer contre son camp » en se présentant, à la surprise générale, contre Hamma Hammami, leader du Front populaire à l’élection présidentielle de 2019.
Lequel Front, souvenons-nous, aura éclaté en mille morceaux en raison notamment de désaccords stratégiques Les uns étant favorables à un éventuel rapprochement avec Nidaa Tounes pour faire face au parti islamiste Ennahdha. Tandis que les autres percevaient ces deux partis comme étant avant tout néolibéraux et les renvoyant dos à dos.
Balayer devant sa porte
Morale de l’histoire : en ayant enfin absorbé l’idée que la victoire de la gauche française constitue « une leçon politique pour l’Europe et les populations arabes », Hamma Hammami serait bien inspiré d’admettre enfin que les fissures béantes au sein de la gauche tunisienne sont le responsable principal de sa marginalisation dans une opposition stérile, solitaire et inefficace.