Le doyen de la faculté des sciences de Ben M’sik a refusé de remettre un prix à une étudiante, sous prétexte que son port du Keffieh palestinien constitue une prise de position politique. Cet incident qui a soulevé un tollé général au Maroc, met en lumière l’antagonisme entre la solidarité de la rue marocaine envers la cause palestinienne et la politique officielle de normalisation avec l’Etat hébreu.
Scandaleux. Est-il convenable, voire humain, que- peu après un nouvel et terrible assaut meurtrier perpétré par les forces d’occupation israéliennes dans le camp de Khan Younès au sud de Gaza, tuant plus de 90 personnes et faisant environ 300 blessés, principalement des femmes et des enfants- le port du Keffieh, un habit traditionnel emblématique du soutien à la cause palestinienne, soit prohibé dans un pays arabo-musulman, dont le monarque, faut-il le rappeler, est le président en exercice du comité Al-Qods, chargé de veiller sur les lieux saints musulmans de la ville?
Pourtant, cela s‘est passé au royaume chérifien où un doyen fut contraint de présenter sa démission et de sortir ainsi piteusement par la petite porte pour avoir humilié une étudiante arborant un Keffieh palestinien.
La queue entre les jambes
En effet, lors de la cérémonie de remise des diplômes de l’École Supérieure de Technologie (EST) tenue samedi 13 juillet à Casablanca, Mohammed Talbi, le doyen de la faculté des Sciences Ben M’Sik, en sa qualité d’invité d’honneur, refusa à la stupeur générale de remettre le prix de fin d’études à une étudiante en raison d’un keffieh au-dessus de la toge de diplômée.
Rembobinons les faits. Lors de la cérémonie, les étudiants défilaient sur l’estrade pour recevoir leurs prix et diplômes, dont certains ont été remis par des invités d’honneur. Parmi eux, Mohammed Talbi, qui, prié par le maître de cérémonie de remettre un prix à une lauréate, se dirigea vers l’étudiante et lui demanda de retirer l’écharpe à carreaux noir et blanc. Pire, il a même tenté de s’en charger. Face à la réaction indignée de la salle devant cette odieuse attitude le doyen a simplement refusé de remettre le prix, quittant précipitamment la cérémonie la queue entre les jambes!
C’est finalement le directeur de l’EST qui s’est chargé de remettre le prix à la jeune lauréate sous les ovations du public. La vidéo de la scène a rapidement fait le tour des réseaux sociaux.
Sachant que l’attitude du doyen en question prit une dimension nationale, suscitant ainsi une vive colère et des critiques acerbes sur les réseaux sociaux et provoquant l’indignation des dirigeants politiques et syndicaux. Et surtout du grand public marocain, largement acquis à la cause palestinienne.
« Il ne mérite aucun respect »
« Si le doyen d’une faculté marocaine a réellement refusé de remettre une distinction à une étudiante parce qu’elle portait le Keffieh palestinien, il est lâche et indigne de son poste, dépourvu d’humanité et ne mérite aucun respect […] J’espère que cette information est fausse », s’est écrié l’ancien ministre de la Justice, El Mostapha Ramid dans un post sur sa page FB.
Le Keffieh, « une source de fierté »
Pour sa part, le Syndicat national de l’enseignement supérieur a publié un communiqué pour exprimer sa « condamnation ferme du comportement irresponsable du doyen de la faculté des sciences Ben M’sik ». De même qu’il a affirmé « sa solidarité inconditionnelle avec l’étudiante brillante qui a été provoquée par le doyen ».
Le communiqué souligne également que le port du keffieh palestinien « est une source de fierté » pour l’étudiante et sa famille, en plus de son excellence académique, et a appelé à prendre une position ferme contre ce comportement « aberrant » du doyen.
Les étudiants de l’École Supérieure de Technologie (EST) de Casablanca ont également publié le lendemain des faits un communiqué dénonçant fermement l’incident survenu la veille. « Nous avons été témoins d’une attitude déplorable et inacceptable du doyen de la faculté des sciences Ben M’sik, qui a refusé de remettre le prix à une étudiante brillante en raison de son port du Keffieh palestinien, considérant cela comme « une prise de position politique » et « une atteinte aux valeurs académiques et humaines sur lesquelles reposent nos institutions éducatives».
Le port du Keffieh palestinien « est une expression de solidarité avec le peuple palestinien et sa juste cause, un droit garanti par la Constitution marocaine et les conventions internationales relatives aux droits de l’Homme », ont-ils fait valoir. Tout en demandant « le respect des droits des étudiants à exprimer leurs opinions et leurs croyances de manière pacifique et civilisée ».
Rappelons enfin que le ministre de l’Enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de l’innovation, Abdellatif Miraoui, a réagi à cet incident lors de son intervention hier mardi 17 juillet au Parlement marocain en suggérant avec une prudence excessive que le doyen « était peut-être dans l’erreur; et que tout humain commet des erreurs ». Le minimum syndical!