Faut-il espérer un revirement notable dans la position de Kamala Harris, la très probable candidate des démocrates à la prochaine présidentielle américaine, à l’égard de l’Etat hébreu? Certains indices vont dans ce sens mais n’allons pas si vite en besogne : le discours lors de la campagne présidentielle n’est pas toujours le même une fois le candidat installé à la Maison Blanche.
Depuis le retrait de l’actuel hôte de la Maison Blanche, Joe Biden- un dirigeant réputé pour son soutien indéfectible, inconditionnel, illimité, voire aveugle à l’Etat hébreu, au profit de sa vice-présidente Kamala Harris, laquelle, divine surprise, dépasse son rival républicain Donald Trump dans les derniers sondages, le monde arabo-musulman scrute à la loupe le positionnement de la démocrate sur la guerre à Gaza. Et ce, d’autant plus que l’ancienne procureure générale et sénatrice de Californie pourrait devenir le 5 novembre prochain la première dame à diriger la plus grande puissance mondiale.
Une absence fort remarquée
Premier signe d’un probable revirement sur le dossier ultrasensible du dossier palestinien : la très probable candidate démocrate à la présidentielle américaine aura brillé par son absence pour le discours au Congrès du Premier ministre israélien en visite à Washington.
En effet, alors que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu s’adressait, mercredi 24 juillet, à une session conjointe du Congrès américain lors de sa première visite à l’étranger depuis l’attaque du Hamas du 7 octobre, la vice-présidente américaine Kamala Harris, également présidente du Sénat, n’était pas à sa place habituelle à la tribune, derrière le visiteur israélien. Puisqu’elle était opportunément en déplacement dans l’Indiana pour assister à la convention nationale de la sororité Zeta Phi Beta, l’une des plus anciennes organisations universitaires du pays pour les étudiantes afro-américaines. Et alors que Kamala Harris est sur le point d’être investie candidate démocrate pour l’élection présidentielle, son absence très remarquée soulève de nombreuses questions.
« Un criminel de guerre »
A noter que devant les deux Chambres du Congrès des Etats-Unis, réunies pour l’entendre, le premier ministre israélien a reçu près de cinquante ovations, principalement sur les bancs républicains. Mais tout le monde aura remarqué l’absence d’enthousiasme dans les bancs démocrates, une tiédeur qui traduit l’exaspération suscitée par la conduite de la guerre dans l’enclave palestinienne depuis dix mois.
D’ailleurs pour traduire cet état d’esprit dans le camp démocrate, le sénateur indépendant du Vermont Bernie Sanders a déclaré la veille du discours du Premier ministre israélien sur un ton glacial que « ce sera la première fois dans l’histoire américaine qu’un criminel de guerre aura l’honneur de s’exprimer devant le Congrès ».
Rien d’étonnant à cela puisque Netanyahu fait en effet l’objet d’une demande de mandat d’arrêt du procureur de la Cour pénale internationale de La Haye pour « crimes de guerre » et « crimes contre l’humanité ».
« Je ne resterai pas silencieuse »
Faut-il pour autant s’attendre à un revirement spectaculaire de la part de Kamala sur l’épineux dossier palestinien alors Joe Biden a fortement soutenu la guerre d’Israël dans la bande de Gaza depuis les attaques du 7 octobre et a maintenu l’aide militaire américaine malgré les tensions avec Benyamin Netanyahu?
Il est de notoriété publique que depuis son élection au Sénat américain en 2017, Kamala Harris a toujours été favorable à « une solution à deux États » tout en reconnaissant à Israël « le droit de se défendre ». Cela dit, elle a toujours pris soin de ne jamais contredire la position présidentielle sur le sujet depuis son accession à la vice-présidence. Elle s’est pourtant distinguée à plusieurs reprises en condamnant avec fermeté le nombre de victimes palestiniennes et les agissements de l’État hébreu.
En effet, début mars dernier, elle avait appelé à un cessez-le-feu pour mettre fin à « l’immense souffrance des Palestiniens ».
« Les gens à Gaza meurent de faim. Les conditions sont inhumaines et notre humanité commune nous oblige à agir », avait-elle déclaré.
Visiblement Sensible aux souffrances des Palestiniens, elle a déclaré au premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, lors d’une récente rencontre, jeudi 25 juillet, à Washington qu’il « est temps que l’accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas palestinien soit conclu ». Tout en assurant avoir exprimé sa « vive inquiétude » concernant les victimes civiles.
Par ailleurs, l’ex-sénatrice de Californie de 59 ans a expliqué avoir insisté auprès de Netanyahou sur la situation « désastreuse » à Gaza lors de cette rencontre qualifiée de « franche ». « Nous ne pouvons pas détourner le regard de ces tragédies. Nous ne pouvons pas nous permettre de devenir insensibles à la souffrance et je ne resterai pas silencieuse », a-t-elle martelé.
Nouvelle donne
Rappelons enfin que le désistement de Joe Biden a modifié en profondeur la dynamique de la campagne présidentielle américaine. Alors que les sondages donnaient Donald Trump en tête des suffrages, une enquête de Reuters/Ipsos publiée mardi 23 juillet 2024 montre que la démocrate devance désormais son rival républicain de deux points avec 44 % d’intentions de vote contre 42 %. Preuve d’un sursaut : la semaine dernière, ils étaient à égalité à 44 % dans une enquête réalisée par le même institut.
L’ancien président persistera-t-il à claironner avec arrogance que la victoire sera « plus facile » face à la vice-présidente de Joe Biden? Rien n’est moins sûr.