LE CONTEXTE
Les devises des marchés émergents ont enregistré une perte nette d’environ 4 % par rapport au dollar depuis le début de l’année, selon les analystes du Fonds monétaire international (FMI).
Les monnaies d’Amérique latine ont chuté de 5 %, tandis que celles des pays émergents d’Asie ont diminué de 4 %, indique l’institution financière internationale dans un nouveau blog.
Les devises d’Europe centrale et orientale et d’Afrique ont subi une dépréciation moindre.
L’analyse souligne que l’écart de taux d’intérêt entre un pays et les États-Unis est un facteur clé des taux de change. En début d’année, les investisseurs s’attendaient à ce que la Réserve fédérale (Fed) réduise considérablement les taux d’intérêt, ce qui aurait creusé ou au moins maintenu les écarts de taux avec les pays émergents.
Cependant, l’économie américaine s’est avérée plus dynamique que prévu et l’inflation n’a pas encore atteint l’objectif de la Fed. En conséquence, les attentes de baisse de taux se sont dissipées au fil des mois et le dollar s’est apprécié. Le FMI note que les différentiels de taux d’intérêt des principaux pays émergents par rapport au dollar ont diminué.
La dépréciation des devises a été plus marquée dans les pays où le resserrement des taux d’intérêt a été le plus prononcé, notamment certains pays d’Amérique latine qui ont réduit leurs taux directeurs face au ralentissement de l’inflation, ou dans ceux où les différentiels de taux d’intérêt sont les plus faibles, comme certains pays émergents d’Asie.
D’autres facteurs spécifiques à chaque pays, telles que les préoccupations budgétaires ou les évolutions politiques, peuvent également jouer un rôle.
Plusieurs banques centrales des marchés émergents ont ralenti ou arrêté leurs cycles de hausse des taux, ou sont intervenues sur le marché des changes pour gérer l’utilisation de leurs devises.
Les six derniers mois mettent en évidence l’importance fondamentale du différentiel de taux d’intérêt dans les taux de change, selon l’institution basée à Washington.
Une dépréciation ordonnée d’une monnaie, à des niveaux globalement compatibles avec les fondamentaux économiques, y compris le différentiel de taux d’intérêt, peut être bénéfique pour une économie.
Toutefois, si la situation se détériore au point de provoquer une crise imminente, des mesures de gestion des flux de capitaux pourraient être nécessaires dans le cadre d’un ensemble plus large de mesures visant à atténuer les risques de sorties de capitaux.
Néanmoins, ces mesures ne peuvent remplacer les ajustements macroéconomiques fondamentaux et devraient faire partie de plans plus vastes visant à remédier aux déséquilibres sous-jacents.
COMMENTAIRES
Le rapport en question fournit une analyse détaillée de la dépréciation des devises des marchés émergents par rapport au dollar américain, en mettant en lumière les principales raisons de cette tendance et les implications économiques qui en découlent.
Pour autant, une analyse critique révèle certains aspects qui pourraient être soulignés. Dont notamment :
- Le rapport identifie correctement l’écart de taux d’intérêt comme un facteur clé influençant les taux de change. Cette relation est bien documentée dans la littérature économique et financière.
- Il contextualise bien les attentes initiales des investisseurs concernant les politiques de la Fed et comment les évolutions réelles de l’économie américaine ont déjoué ces attentes, conduisant à une appréciation du dollar.
- Il souligne les différences régionales dans la dépréciation des devises, ce qui est important pour une compréhension nuancée des marchés émergents.
Le rapport offre une base solide pour comprendre la dynamique actuelle des devises des marchés émergents face au dollar, avec une analyse pertinente des facteurs macroéconomiques en jeu, pour une compréhension plus complète et opérationnelle des défis et des solutions potentiels dans les marchés émergents.
Les implications pour l’économie tunisienne
L’analyse de la dépréciation des devises des marchés émergents par rapport au dollar américain a plusieurs implications pour l’économie tunisienne, qui peut être considérée comme une économie émergente :
La première implication, au niveau de l’impact sur les taux de change et l’inflation :
- Dépréciation du dinar tunisien : comme les devises des marchés émergents se déprécient par rapport au dollar, le dinar tunisien pourrait également subir une pression à la baisse. Cela pourrait entraîner une augmentation des prix des importations, exacerbant l’inflation domestique.
- Inflation importée : l’augmentation des coûts des biens importés, notamment les produits de base comme le pétrole, pourrait accroître l’inflation en Tunisie, affectant le pouvoir d’achat des consommateurs.
La deuxième implication, au niveau des politiques monétaires et écart de taux d’intérêt :
- Stratégie de la Banque Centrale de Tunisie (BCT) : pour stabiliser le dinar, la BCT pourrait être contrainte de maintenir des taux d’intérêt élevés, ce qui pourrait ralentir la croissance économique en augmentant le coût du crédit pour les entreprises et les consommateurs.
- Comparaison des Taux : si la Réserve fédérale maintient des taux d’intérêt élevés, la BCT devra peut-être suivre une politique similaire pour éviter une fuite de capitaux, ce qui pourrait limiter la flexibilité de sa politique monétaire.
La troisième implication, au niveau du commerce extérieur et la balance des paiements :
- Compétitivité à l’exportation : une monnaie plus faible pourrait rendre les exportations tunisiennes plus compétitives sur le marché international, ce qui pourrait bénéficier aux secteurs exportateurs comme le textile, l’agriculture, et le tourisme.
- Déficit commercial : toutefois, l’augmentation des coûts des importations pourrait aggraver le déficit commercial, mettant davantage de pression sur la balance des paiements de la Tunisie.
La quatrième implication, au niveau de la gestion des flux de capitaux :
- Interventions sur le marché des changes : la BCT pourrait être amenée à intervenir sur le marché des changes pour stabiliser le dinar. Cela pourrait impliquer l’utilisation de réserves de devises étrangères, ce qui pourrait réduire la capacité de la Tunisie à répondre à d’autres chocs économiques.
- Contrôles des capitaux : en cas de dépréciation rapide et de fuite des capitaux, la Tunisie pourrait envisager des mesures de gestion des flux de capitaux pour stabiliser l’économie, bien que ces mesures doivent être temporaires et accompagnées de réformes structurelles.
La cinquième implication, au niveau des réformes structurelles et politiques :
- Ajustements macroéconomiques : pour atténuer les déséquilibres économiques, la Tunisie pourrait devoir entreprendre des réformes structurelles, telles que la diversification de son économie, l’amélioration de la gouvernance, et la réduction de la dépendance aux importations.
- Soutien des institutions internationales : le FMI et d’autres institutions internationales pourraient jouer un rôle crucial en fournissant des conseils et un soutien financier pour aider la Tunisie à gérer les défis économiques et à mettre en œuvre des réformes nécessaires.
En définitive, l’analyse des tendances des devises des marchés émergents par rapport au dollar met en lumière des défis et des opportunités pour l’économie tunisienne.
La gestion prudente des politiques monétaires et fiscales, ainsi que la mise en œuvre de réformes structurelles, seront essentielles pour stabiliser l’économie tunisienne face aux pressions externes.
La Tunisie devra également surveiller de près les évolutions des marchés internationaux et adapter ses stratégies en conséquence pour protéger sa stabilité économique et favoriser une croissance durable.
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* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG)