Alger a décidé, mardi 30 juillet 2024, « le retrait immédiat » de son ambassadeur à Paris, après qu’Emmanuel Macron a appuyé le plan de Mohammed VI de reconnaître la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental. Retour sur un dossier explosif.
Mais pourquoi diable Emmanuel Macron s’est-il fourré les doigts dans un nid de vipères, en l’occurrence le dossier du Sahara occidental, un vieux conflit qui oppose Rabat et Alger depuis près d’un demi-siècle sur une zone désertique contrôlée de facto en majeure partie par le Maroc mais revendiquée depuis 1975 par les indépendantistes sahraouis du Front Polisario soutenus par l’Algérie ?
Revirement spectaculaire
En effet, à l’occasion des 25 ans de son règne, le président français offrit un cadeau inespéré aux Marocains en affirmant dans une lettre adressée, mardi 30 juillet 2024, au monarque chérifien Mohammed VI que le plan d’autonomie marocain pour le Sahara occidental « constitue désormais la seule base pour aboutir à une solution politique juste, durable et négociée conformément aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies ».
« Aussi, je vous affirme l’intangibilité de la position française sur cet enjeu de sécurité nationale pour votre Royaume. La France entend agir en cohérence avec cette position à titre national et au niveau international », ajoute le message présidentiel.
Alors, comment expliquer le revirement majeur de la France dans ce dossier ultrasensible, quitte à s’attirer les foudres d’Alger ?
La vérité, c’est que, rompant ainsi un délicat équilibre sur la question sahraouie, Paris se range désormais ouvertement aux côtés de Rabat. Et ce, en affirmant la « souveraineté marocaine » qui balaie l’option de l’autodétermination et exclut de facto le processus référendaire requis par l’ONU depuis le cessez-le-feu entre le Maroc et le Polisario en 1991.
À savoir à ce propos que sans reconnaître expressément la « marocanité » du Sahara occidental, l’hôte du palais de l’Elysée considère ainsi que « le présent et l’avenir du Sahara occidental s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine ».
S’agit-il d’une nuance de taille ou d’un simple jeu de mots ? Dans les deux cas de figure, le ministère algérien des Affaires étrangères dénonça dans un communiqué « un pas qu’aucun autre gouvernement français avant lui n’avait cru devoir franchir ».
Le courroux d’Alger
En s’alignant sur la position marocaine, la France « bafoue la légalité internationale, prend fait et cause pour la négation du droit du peuple sahraoui à l’autodétermination et se démarque de tous les efforts patients et persévérants déployés par les Nations unies », ajoute la même source.
Dans une allusion à peine voilée à Paris et Rabat, le chef de la diplomatie algérienne ironisa sur « les puissances coloniales, anciennes et nouvelles, qui savent se reconnaître, se comprendre et se tendre des mains secourables ». Par conséquent, l’Algérie « tirera toutes les conséquences qui découlent de cette décision française ». Le retrait de l’ambassadeur algérien à Paris semble être la première d’entre elles.
En effet, le gouvernement algérien a annoncé mardi 30 juillet le « retrait avec effet immédiat » de son ambassadeur en France, après l’annonce d’un renforcement du soutien français au plan d’autonomie marocain pour le territoire contesté du Sahara occidental. « La représentation diplomatique algérienne en France est désormais du ressort d’un chargé d’affaires ».
D’ailleurs, la diplomatie algérienne, qui semble avoir été informée quelques jours plus tôt de la position française, avait publié le 25 juillet un communiqué « préventif », dénonçant « la décision inattendue, inopportune et contre-productive du gouvernement français apportant un soutien sans équivoque et sans nuance au plan d’autonomie sur le Sahara occidental dans le cadre de la souveraineté marocaine ».
Pour sa part, le Polisario a dénoncé un soutien de la France à « l’occupation violente et illégale » du Sahara occidental.
Du pain béni pour le Maroc
Mais pour Rabat, le geste de Paris est un cadeau du ciel. « Cette annonce de la République française, membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, constitue une évolution importante et significative en soutien à la souveraineté marocaine sur le Sahara », a salué le Cabinet royal dans un communiqué.
C’est que dans cette affaire, les intérêts économiques du Maroc pour lequel cette question est une « cause nationale » sont évidents : les côtes du Sahara occidental sont parmi les plus poissonneuses au monde et le désert est très riche en phosphates.
Rappelons enfin qu’en 2020, Donald Trump reconnut la « marocanité du Sahara » en échange de l’engagement de Rabat à normaliser ses relations avec l’Etat hébreu.
Deux ans plus tard, le gouvernement espagnol de Pedro Sanchez marque un revirement spectaculaire de sa position sur le Sahara occidental en considérant au mois de mars 2022 « l’initiative marocaine d’autonomie, présentée en 2007, comme la base la plus sérieuse, réaliste et crédible pour la résolution du différend ».
Terribles sanctions
La réaction d’Alger fut foudroyante : 130 000 entreprises espagnoles furent gravement impactées par la volte-face de Madrid. Les entreprises françaises opérant en Algérie connaîtront-elles le même traitement ?
Dans un communiqué du 25 juillet, les Affaires étrangères algériennes ont annoncé la couleur : « Le gouvernement algérien tirera toutes les conséquences qui découlent de cette décision française et dont le gouvernement français assume seul la pleine et entière responsabilité ».