Le débat sur les réformes structurelles et le niveau d’endettement public en Tunisie semble souvent relégué au premier plan, occultant des problématiques bien plus urgentes.
En effet, face à une demande agrégée anémique et à une inflation lancinante, le pays est plongé dans une crise économique qui s’aggrave.
Malgré cela, nos dirigeants semblent se focaliser sur des détails mineurs, négligeant les véritables défis socio-économiques.
À l’instar de l’Europe en 2014, au lendemain de la crise financière des subprimes de 2008, la Tunisie répète aujourd’hui des erreurs similaires à celles commises par les États-Unis lors de la Grande Dépression des années 1920 et 1930. La politique monétaire du pays, marquée par des taux d’intérêt restrictifs et une Banque centrale impuissante, échoue à stimuler la demande et la consommation. Par conséquent, la Tunisie se retrouve piégée dans une spirale descendante où la faible demande entraîne une production encore plus réduite, exacerbant le chômage et la pauvreté.
Dans ce contexte, il devient impératif de reconsidérer l’approche actuelle. Ce dont la Tunisie a besoin, c’est d’un véritable stimulus fiscal et de déficits budgétaires calculés.
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Contrairement aux idées reçues, le chômage élevé n’est pas simplement le résultat d’une « indiscipline budgétaire » mais plutôt d’une demande insuffisante. Le premier enseignement de la Grande Dépression, qui nous apprend que des déficits peuvent être nécessaires pour stimuler l’économie, semble malheureusement ignoré par l’intelligentsia économique tunisienne.
Au lieu de cela, la Tunisie est en train de s’enfoncer dans une austérité mal avisée, adoptant des politiques restrictives qui asphyxient l’économie. En insistant sur l’équilibre budgétaire et en évitant tout déficit, le pays se condamne à une dépression économique prolongée.
Cette approche est en train de transformer la Tunisie en un désert économique, sacrifiant les citoyens tunisiens sur l’autel de l’orthodoxie budgétaire.
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De plus, il est crucial de comprendre que la Tunisie avec le dinar, à l’instar de l’Europe avec l’euro, est piégée par des mécanismes économiques qui ne lui permettent pas de s’ajuster facilement. Bien que le dinar tunisien ne soit pas un étalon, il est clair que le pays est contraint par des pressions extérieures et intérieures qui limitent sa capacité à réévaluer ou à adopter des politiques monétaires plus souples.
Cependant, tout espoir n’est pas perdu. Il est encore possible de neutraliser partiellement ces effets néfastes en adoptant une approche solidaire et coopérative à l’échelle régionale. Par exemple, une coopération accrue avec les partenaires économiques les plus compétitifs pourrait permettre de compenser les déséquilibres. Une légère inflation en Tunisie, accompagnée de mesures de soutien à la demande, pourrait contribuer à stabiliser l’économie tout en évitant une stagnation destructrice.
La Tunisie doit ainsi se tourner vers une approche plus équilibrée et pragmatique, où la stimulation de la demande intérieure et une gestion budgétaire flexible sont placées au cœur de la stratégie économique. Les leçons de l’histoire, notamment de la Grande Dépression américaine, doivent être réexaminées et appliquées dans le contexte tunisien pour éviter que le pays ne sombre davantage dans la dépression économique.
Les décideurs tunisiens doivent comprendre que la survie économique du pays dépend de leur capacité à adopter des politiques audacieuses et non conventionnelles, à remettre en question les dogmes traditionnels et à se concentrer sur la relance de la demande, condition sine qua non pour sortir de cette crise.
« Celui qui ne progresse pas régresse » … Une règle qui se confirme sans cesse.
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* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG)