La ressemblance entre l’élection présidentielle en Algérie qui aura lieu le 7 septembre prochain et celle qui se tiendra le 6 octobre 2024 en Tunisie est saisissante : un président sortant sans concurrents réels, des candidatures rejetées faute d’avoir recueilli le nombre de parrainages suffisants; alors que d’autres candidats sont poursuivis par la justice pour des supposées fraudes électorales dans l’opération de collecte des signatures.
Un scrutin présidentiel pour la forme? Tout semble indiquer que l’issue de l’élection présidentielle qui aura lieu le 7 septembre prochain en Algérie est connue d’avance. Et ce, tant la balance entre Abdelmajid Tebboune, 78 ans- adoubé par l’armée et qui a l’appui de quatre formations politiques de premier plan dont l’ancien parti unique FLN- et le mouvement islamiste El Bina et ses deux rivaux, des candidats de figuration, penche inéluctablement en faveur du président sortant candidat à sa propre succession.
Des concurrents de figuration en Algérie?
Ainsi, sur 16 prétendants ayant déposé leur dossier de candidature à la présidentielle en juillet dernier, la Cour constitutionnelle n’en a validé que trois.
Primo, l’actuel président de la République et grand favori.
Secundo, Youssef Aouchiche, 41 ans, député et chef du Front des forces socialistes (FFS), le parti d’opposition historique dont la présence est aussi importante pour le régime. Alors que ce parti, ancré dans une Kabylie frondeuse et abstentionniste, boycotte traditionnellement les élections présidentielles.
Tertio, Abdelaali Hassani, 57 ans, dirigeant du parti islamiste Mouvement de la société pour la paix (MSP).
Notons à ce propos que le candidat pressenti de ce parti d’obédience islamiste aurait dû être son ancien président, Abderrazak Makri. Mais les autorités ne voulait pas de la candidature de cet activiste très médiatique et souvent très critique du pouvoir, soumis par ailleurs à une interdiction de sortie de territoire.
A savoir que pour le reste des candidats, 13 ont été éliminés de la course présidentielle en Algérie faute d’avoir recueilli le nombre de parrainages nécessaires prévu par la loi électorale; tandis que d’autres sont poursuivis par la justice. Le parquet d’Alger ayant annoncé avoir placé sous contrôle judiciaire ces candidats accusés d’avoir « payé des élus afin d’obtenir les 600 parrainages » nécessaires au dépôt d’une candidature.
Parcours du combattant
Rappelons à ce propos que la collecte des signatures est souvent un casse-tête chinois pour les candidats. Lesquels doivent recueillir les signatures de 600 élus ou de 50 000 électeurs également répartis sur 29 wilayas (départements). Et ce, d’autant plus qu’une des principales difficultés dans la collecte de signatures est la peur des citoyens. Une peur liée aux conséquences d’une signature pour un candidat opposé au pouvoir. La signature étant désormais numérisée, donc traçable!
Une concurrente sciemment écartée?
Par ailleurs, d’après les rumeurs qui bruissent dans tout Alger, trois candidats seraient poursuivis par la justice et éliminés de facto de la course au palais d’Al Mouradia.
Il s’agirait de deux poids légers de la politique locale. En l’occurrence l’ancien ministre Belkacem Sahli, chef de l’Alliance nationale républicaine et d’Abdelhakim Hamadi, qui présente sa candidature à la magistrature suprême pour la troisième fois consécutive. Et surtout de la femme d’affaires Saida Neghza, une sérieuse concurrente qui aurait fait de l’ombre à la candidature du président sortant. En effet, elle est la dirigeante de la Confédération générale des entreprises algériennes (CGEA), et, excusez du peu, classée par Forbes Afrique en février 2023 parmi les cinquante femmes qui comptent sur le continent africain.
A noter à ce propos que la « patronne des patrons » qui a bâti un empire dans les travaux publics et l’hydraulique, est réputée pour ne pas avoir la langue dans la poche.
En effet, elle s’opposa avec véhémence en septembre 2023 au bilan économique du président de la République, Abdelmajid Tebboune, en dénonçant « les dérives arbitraires » de son régime envers les entrepreneurs.
Cette audacieuse prise de position lui aura valu une campagne de dénigrement violente orchestrée par les médias proches du pouvoir. Ainsi, un article de l’agence officielle Algérie Presse Service (APS) l’accusa d’être « le porte-voix d’intérêts qu’elle est prétendument censée combattre, ceux de l’ordre ancien, d’une issaba dont le sport favori n’était pas la pratique du golf, mais de détourner l’argent du peuple ». Elle reçut même des menaces et fut contrainte de s’exiler à l’étranger pendant plusieurs mois pour sa sécurité.
Restée discrète plusieurs mois, la femme d’affaires a créé la surprise en juin en déclarant sa candidature à la présidentielle. Pourtant, en dépit d’un nombre de parrainages plus que suffisant, son dossier a été rejeté. Saida Neghza a alors dénoncé des fraudes de l’autorité électorale et des pressions sur les élus qui lui ont accordé leur parrainage.
Luisa Hanoune jette l’éponge
Rappelons enfin que Louisa Hanoune, la cheffe du Parti des travailleurs algérien (trotskiste), qui avait été emprisonnée dans la foulée du mouvement de contestation du Hirak en 2019, a jeté l’éponge en annonçant samedi 13 juillet le retrait de sa candidature à la prochaine élection présidentielle.
En effet, dans un communiqué, Louisa Hanoune évoque des « conditions injustes » et un cadre législatif « régressif et antidémocratique ». Tout en ajoutant que son parti ne participerait pas non plus « au processus de vote du 7 septembre », date de l’élection présidentielle anticipée qui semble pliée d’avance.