La croissance modeste que la Tunisie a affiché au cours du premier semestre n’est qu’une agrégation des performances des différents secteurs économiques. Parmi les activités qui ont déçu, nous trouvons la construction. Sa valeur ajoutée a reculé de 4,3 % à 1,933 milliard de dinars.
La valeur ajoutée du secteur de la construction était incapable de dépasser le seuil du milliard de dinars pour le 5ème trimestre consécutif. L’activité a quitté ainsi le Top 10 des secteurs qui pèsent le plus dans l’économie tunisienne.
Un potentiel confirmé
L’année dernière, Market&Research a estimé que le secteur de la construction pourrait enregistrer un rythme de croissance annuel moyen de 2,9 % sur la période 2023-2026 grâce à la demande publique. Il y a tellement de chantiers ouverts et de projets que le pays est capable de se transformer en un chantier à ciel ouvert pour de longues années.
Toutefois, l’histoire récente nous a montré que la réalité diffère. L’Etat, donneur d’ordre exclusif dans ce domaine, a des moyens très limités ces dernières années. Comment peut-il affronter le service de la dette, les salaires des fonctionnaires, les subventions énergétiques alors qu’un embargo financier international semble s’installer? Cela sans oublier que plusieurs prestataires de services dans ce domaine n’ont pas été payés à temps, pour une raison ou une autre, leur causant des soucis avec les banques. La confiance dans l’agent économique public a souffert durant un moment, mais elle est en train de s’améliorer. Les autorités ont liquidé pas mal de dossiers et ne lancent que des projets en harmonie avec les moyens du bord.
Quant à l’immobilier, son problème est clair : une hausse des coûts, du foncier, des taux d’intérêt et la TVA qui vient alourdir le prix de vente final. Tant que nous sommes dans un cycle inflationniste, les Tunisiens résidents à l’étranger resteront l’unique moteur qui alimente la demande.
La valeur ajoutée du secteur s’est élevée à 3,954 milliards de dinars en 2023, représentant de la sorte 4,17 % du PIB. Par rapport à 2021, la valeur ajoutée perdue est de 421 MTND, avec 57 points de base de moins en termes de contribution au PIB. Pour cette année, il serait difficile d’atteindre les 3,900 milliards de dinars.
Un enjeu de décarbonisation
Outre la question de développement, il y a la question de la participation à la réduction de l’empreinte carbone dans l’économie tunisienne. Le secteur de la construction est effectivement l’un des plus gros émetteurs de carbone au monde. Et ce, en raison du processus d’urbanisation et de la croissance économique rapide. Les émissions liées à l’environnement bâti comprennent celles provenant de la phase opérationnelle, connues sous le nom d' »émissions de carbone opérationnelles », et celles provenant d’autres étapes, telles que la production des matériaux et les travaux de construction. La proportion d’émissions de carbone incorporées dans les bâtiments est censée augmenter à l’avenir. Ce qui incite à l’utilisation accrue de technologies de conservation de l’énergie.
Selon Emissions Database for Global Atmospheric Research (EDGAR) de la Commission européenne, la Tunisie est classée comme étant le sixième plus grand pollueur arabe en termes d’émissions de carbone liée à l’environnement bâti, avec 5 millions de tonnes équivalent CO2 (tCO2éq).
Il y a donc du travail à faire, et nous constatons d’ailleurs que certains promoteurs immobiliers, par exemple, proposent des constructions bas carbone.
La piste des partenariats avec des étrangers, notamment les Chinois, est à évaluer. Ces derniers ne seront pas contre et aimeraient bien renforcer leur présence en Tunisie. Nous pouvons le faire, non pas à l’africaine et à travers un surendettement, mais selon des règles de jeu qui ne laissent pas le pays à la merci de Pékin…
Mais qui va le financer?
Cela passe par la volonté des banques à financer les professionnels. En 2024, l’encours des crédits accordés au secteur de la construction s’est établi à 8,061 milliards de dinars fin mars 2024, dont 5,004 MTND aux promoteurs immobiliers. Sur le premier trimestre, il n’y a pas eu d’évolution. Pour la construction seulement, il y a eu une légère hausse de 27,931 MTND. C’est extrêmement faible. Nous retrouvons ces chiffres dans la croissance des deux premiers trimestres de 2024.
Donc, ce potentiel cherche des bailleurs de fonds pour être concrétisé. La piste des partenariats avec des étrangers, notamment les Chinois, est à évaluer. Ces derniers ne seront pas contre et aimeraient bien renforcer leur présence en Tunisie. Nous pouvons le faire, non pas à l’africaine et à travers un surendettement; mais selon des règles de jeu qui ne laissent pas le pays à la merci de Pékin. Combiner l’autofinancement à l’aide chinoise est le mécanisme le plus rapide pour redémarrer la machine, non seulement celle de la construction, mais plutôt de la totalité de l’économie tunisienne.