Tribune de Karim Amellal, ambassadeur délégué interministériel pour la Méditerranée
Dire que l’espace méditerranéen est un théâtre de crises et de tensions relève aujourd’hui du lieu commun. Au statu quo en Libye et en Syrie, l’effroyable guerre qui se déroule à Gaza, dont le bilan s’élève à des dizaines de milliers de morts civils, et la catastrophe humanitaire qui en résulte aggravent encore une situation régionale qui n’était déjà pas reluisante.
Le changement climatique qui impacte la Méditerranée plus sévèrement encore que d’autres parties de la planète fait déjà ressentir ses effets sur terre et sur mer et alimente chaque année un cycle de catastrophes aux conséquences sociales et économiques dévastatrices.
Ce contexte mortifère alimente la peur, le désespoir et la colère, qui nourrissent à leur tour le populisme et l’extrémisme. Dans toute l’Europe, l’extrême droite gagne du terrain, et en France, lors des dernières élections législatives, près de 11 millions de citoyens ont voté pour le parti fondé par Jean-Marie Le Pen.
Enfin, parmi bien d’autres « illustrations » de cette crise globale, le drame migratoire d’une mer transformée en cimetière : rien que l’an dernier, 2 500 personnes, dont beaucoup de femmes et d’enfants, ont disparu en Méditerranée.
Ce contexte mortifère alimente la peur, le désespoir et la colère, qui nourrissent à leur tour le populisme et l’extrémisme. Dans toute l’Europe, l’extrême droite gagne du terrain, et en France, lors des dernières élections législatives, près de 11 millions de citoyens ont voté pour le parti fondé par Jean-Marie Le Pen.
Un peu partout, au sein de chaque société comme entre chaque pays, le repli sur soi et la méfiance de l’autre prédominent. Nous nous éloignons au lieu de nous rapprocher.
Tandis que nous sommes confrontés à des défis communs, à des problèmes qui appellent des réponses collectives, nous semblons de plus en plus nous défier les uns des autres, regarder ailleurs, dans le passé en quête d’un improbable âge d’or, ou bien en nous réfugiant dans de fausses certitudes et en érigeant nos différends en montagnes insurmontables. Il en va pourtant de notre avenir, face auquel notre responsabilité est nécessairement de dialoguer, de nous entendre, de coopérer. Dans ce minuscule espace qu’est la Méditerranée où nos destins sont si intriqués encore plus qu’ailleurs. Sans doute pas sur tous les sujets, certes, et certains sont plus sensibles que d’autres, moins propices à des compromis, à des consensus.
Une évidence : nul ne possède de recette miracle ou de solution toute faite. Notre seule boussole de dialogue et de coopération doit être notre capacité à trouver des solutions mutuellement avantageuses, qui nous conviennent à tous, qui servent au mieux nos intérêts partagés.
Sur la mobilité, face aux effets du changement climatique et à la dégradation de l’environnement, sur le développement d’un tourisme plus durable, sur les transports et l’énergie, parmi d’autres sujets, nous avons vocation à discuter pour trouver des solutions, entre Etats riverains, entre le Nord et le Sud, entre l’Est et l’Ouest, entre égaux et en Méditerranéens.
Aucun d’autre nous n’a de leçon à donner aux autres. Sûrement pas nous, pays du Nord, que notre passé colonial ne prémunit hélas pas toujours contre la tentation de l’arrogance. Une évidence : nul ne possède de recette miracle ou de solution toute faite. Notre seule boussole de dialogue et de coopération doit être notre capacité à trouver des solutions mutuellement avantageuses, qui nous conviennent à tous, qui servent au mieux nos intérêts partagés.
Dans le domaine économique par exemple, les pays d’Afrique du Nord constituent des pôles essentiels dans les chaînes de valeur entre l’Afrique, l’Asie et l’Europe, y compris dans des secteurs clés : énergies renouvelables, industrie décarbonée et à faible empreinte eau. Pourquoi ne pas davantage nous appuyer sur nos partenaires du Sud en impulsant et accompagnant la régionalisation des chaines de valeur.
De même, nous devons développer, au Nord, des outils qui créent de la croissance partagée en mutualisant au mieux nos ressources réciproques. C’est ce que nous avons fait avec le Fonds Maghreb qui soutient des entreprises en France qui veulent investir et se développer de l’autre côté de la Méditerranée. Ainsi, nous accompagnons la création de valeur dans notre pays tout en contribuant à créer de la valeur et des emplois chez nos partenaires du Sud.
Co-propriétaires éternels d’un espace exigu, nous sommes liés par une mer aux ressources limitées, un territoire sur lequel nous devons cohabiter, un patrimoine commun cousu de cultures semblables, de langues et de religions qui se nourrissent les unes les autres depuis des siècles. Tout cela nous lie et nous oblige, par-delà les obstacles, les crises et les guerres, à poursuivre notre délicate conversation.
Resserrer nos liens, développer notre coopération dans des domaines d’intérêt partagé, travailler sur ce qui nous rapproche plutôt que ce qui nous divise, voici les objectifs que nous devons poursuivre ensemble, à la fois dans le cadre des espaces de dialogue qui existent, à l’instar du « 5+5 », qui réunit les 10 pays de la rive nord et de la rive sud de la Méditerranée occidentale, et de l’Union pour la Méditerranée, mais aussi en œuvrant au renforcement et au renouvellement de nos relations bilatérales.
C’est un autre lieu commun qu’il est cependant utile de rappeler inlassablement : co-propriétaires éternels d’un espace exigu, nous sommes liés par une mer aux ressources limitées, un territoire sur lequel nous devons cohabiter, un patrimoine commun cousu de cultures semblables, de langues et de religions qui se nourrissent les unes les autres depuis des siècles. Tout cela nous lie et nous oblige, par-delà les obstacles, les crises et les guerres, à poursuivre notre délicate conversation. Point d’autre issue que de coopérer.