On a toujours tort d’essayer d’avoir raison devant des gens qui ont toutes les raisons de croire qu’ils n’ont pas tort », disait un jour Raymond Devos, l’humoriste français. Depuis, et par les temps qui courent, on se rend compte qu’il n’a pas tout à fait tort. Et pour cause…
On parle de ces gens qui, malgré la décision du Tribunal administratif, l’appel d’une centaine de professeurs de droit et celui de l’Association de droit constitutionnel pour leur dire qu’ils ont tort, persistent à croire qu’ils ont raison. Du coup, on ne sait plus qui a raison et qui a tort. Pour le commun des Tunisiens, n’étant pas clerc en la matière, le principe serait de donner raison à tout le monde. Jusqu’au jour où on s’aperçoit que ceux à qui on a donné raison avaient tort. C’est pour dire qu’on a, parfois, tort de donner raison à des gens qui avaient le tort de croire qu’ils avaient raison. Mais bon, tout cela n’est que jeu de mots. En réalité, on ne joue plus. Du moment que tout laisse à croire que les jeux sont faits.
On a peut-être tort, mais les suspicions de trucages qu’on nous révèle autour du match qui se joue actuellement et qui se déroule, nous dit-on, en dehors des règles sportives, nous laissent à croire qu’on a quelque part raison. On nous dit, en parlant du match cela va de soi, que l’une des équipes, des amateurs de coups tordus, les vilains, seraient intervenus en dehors des stades pour commander des résultats ou, en l’occurrence, des parrainages. La pratique est illégale, et on a raison de poursuivre les fautifs, sauf qu’en banalisant les faits, on aura tort de croire que tout cela est de bonne foi.
S’agissant de l’exemplarité, il faut préciser que, comme pour le foot, il y a une instance dotée d’un organe de contrôle, et de sanction si nécessaire, pour coincer les « joueurs » en délit. L’instance en question va même jusqu’à contrôler les arbitres, notamment ceux ayant reçu des financements de pays qui n’ont pas de relations diplomatiques avec la Tunisie. On a, pour rappel, coincé plus d’un, suite à une notification venue des « organismes officiels » et que l’instance, après le contrôle d’usage, a transmise aux « autorités compétentes». Du tac au tac. Deux passes décisives et but. Bon, on ne sait pas encore de quel pays on parle ni si le but est hors jeu, mais qu’à cela ne tienne. Il faut avaler la couleuvre, de crainte d’être sanctionné, même si le doute, à tort ou à raison, est permis.
En fait, la seule question qui se pose, dans l’état actuel des choses, c’est de savoir si on doit remplir le stade ou non. Parmi les spectateurs, nombreux sont ceux qui disent vouloir boycotter les gradins. A quoi bon assister à un match, si on connait d’avance le gagnant ? Ils ont raison, même si de l’autre côté, ceux qui disent qu’il faut y aller en masse, histoire de mettre la pression sur l’arbitre, n’ont pas tout à fait tort.
Entre-temps, et loin des stades et des matchs truqués, il y a une réalité qu’on aura tort de négliger en ces temps de rentrée scolaire. C’est le taux d’analphabétisme en Tunisie qui serait de l’ordre de 12,7%, selon des chiffres récents communiqués par les services techniques de l’Institut national de la statistique, au ministère des Affaires sociales, et rapportés par le directeur général du Centre national d’éducation des adultes. Ce taux passe à 25% chez les femmes et à 50% pour les femmes rurales. Pour un pays qui a tout misé sur l’éducation, il faudra qu’il reconnaisse ses torts. J’ai raison, non ?
Le mot de la fin est disponible dans le Mag de l’Economiste Maghrébin n 902 du 11 au 25 septembre 2024