L’analyse du communiqué de la Banque centrale de Tunisie (BCT) du 25 septembre 2024 met en exergue plusieurs axes économiques cruciaux à la fois sur le plan international et national. Et ce, tout en justifiant la décision de maintenir le taux directeur à 8 %. Ce communiqué reflète un équilibre fragile entre la stabilité inflationniste et les défis structurels de l’économie tunisienne.
Axe 1. Contexte international : résilience économique malgré des défis mondiaux
La BCT souligne la résilience des deux plus grandes économies mondiales, les États-Unis et la Chine; ainsi que la reprise graduelle de la Zone Euro, principale partenaire économique de la Tunisie.
Cette situation internationale relativement positive contribue à renforcer les perspectives d’une croissance économique globale; même si les dynamiques inflationnistes dans ces régions restent préoccupantes.
Lecture
Cette résilience est une composante essentielle pour la Tunisie, étant donné sa dépendance aux échanges commerciaux avec l’Europe, notamment dans des secteurs clés comme les phosphates, le textile, et l’agriculture.
Cependant, la mention d’une lente convergence de l’inflation vers les cibles des grandes économies montre que les pressions inflationnistes, bien que sous contrôle, n’ont pas totalement disparu.
Cela pourrait avoir des répercussions sur les coûts d’importation pour la Tunisie, particulièrement en matière d’énergie et de matières premières.
Axe 2. Croissance économique nationale : une reprise timide mais présente
Sur le plan domestique, la croissance économique est décrite comme « positive mais atone, » avec un taux de croissance annuel de 1 % au deuxième trimestre 2024.
Ce faible niveau est attribué aux contre-performances de secteurs stratégiques comme la construction, les mines, et l’énergie, qui restent essentiels pour la dynamique économique du pays.
Toutefois, les perspectives pour le troisième trimestre 2024 sont plus encourageantes, avec des signes d’une reprise modérée soutenue par la demande extérieure et intérieure.
Lecture
Cette faible croissance reflète un ralentissement persistant de certains moteurs de l’économie tunisienne.
Les secteurs mentionnés, tels que les mines et l’énergie, sont vulnérables aux aléas mondiaux et locaux, notamment les retards dans les investissements et les réformes.
Néanmoins, la prévision d’une augmentation de la demande, tant intérieure qu’extérieure, pourrait relancer certains secteurs, notamment grâce à la reprise dans la Zone Euro. Mais cette croissance modérée reste insuffisante pour absorber le chômage structurel et les déséquilibres sociaux.
Axe 3. Échanges extérieurs : une amélioration graduelle avec un impact positif sur les réserves de change
Les échanges extérieurs montrent une amélioration au troisième trimestre 2024, après une légère faiblesse au trimestre précédent.
Le déficit commercial est resté stable sur les huit premiers mois de 2024; tandis que les balances des services et des revenus se sont renforcées.
Cela a permis une réduction significative du déficit courant et la consolidation des réserves de change à 25.654 MDT (116 jours d’importation).
Lecture
Cette amélioration est cruciale pour la stabilisation macroéconomique du pays.
Un déficit courant réduit et des réserves de change plus élevées renforcent la position extérieure de la Tunisie.
De plus, la stabilité relative du dinar face aux principales devises est un facteur clé pour limiter les pressions inflationnistes, notamment en matière de prix des biens importés.
Toutefois, l’amélioration reste fragile et sensible à des chocs extérieurs, notamment la volatilité des prix des matières premières.
Axe 4. Inflation : une détente graduelle mais encore des risques importants
Le taux d’inflation a légèrement reculé à 6,7 % en août 2024, contre 7 % en juillet.
Cependant, la BCT note que l’inflation sous-jacente reste à des niveaux relativement élevés, autour de 7 %.
Les prévisions pour 2024 tablent également sur une moyenne annuelle de 7 %, contre 9,3% en 2023. Malgré cela, la trajectoire future de l’inflation demeure incertaine, avec des risques haussiers importants, notamment la hausse des prix des produits de base, les tensions sur l’eau, et les faiblesses structurelles de la production nationale.
Lecture
La diminution de l’inflation est encourageante, mais les risques d’inflation future sont multiples, particulièrement en ce qui concerne l’énergie et les produits alimentaires.
La stabilité des prix des produits de base internationaux et la gestion des ressources naturelles, comme l’eau, seront déterminantes pour contenir ces risques.
Le maintien de l’inflation à des niveaux élevés reflète des pressions structurelles liées aux coûts de production et à l’insuffisance des réformes économiques, qui tardent à relancer des secteurs productifs.
Axe 5. Décision de maintenir le taux directeur à 8 % : une approche prudente et mesurée
Le maintien du taux directeur à 8 % reflète la prudence de la BCT face aux risques inflationnistes persistants.
Bien que l’inflation soit en décroissance, la trajectoire future est incertaine et des mesures monétaires restrictives sont jugées nécessaires pour accompagner le processus désinflationniste en cours.
Lecture
Cette décision montre que la BCT adopte une politique monétaire rigoureuse dans un contexte économique encore fragile.
La Banque centrale se concentre sur la stabilisation des prix, mais cette stratégie pourrait avoir des conséquences sur la croissance à moyen terme, en limitant l’accès au crédit pour les entreprises et les ménages.
Cependant, dans un contexte de pressions inflationnistes persistantes, une baisse prématurée du taux pourrait alimenter une nouvelle hausse des prix, notamment si les risques exogènes se matérialisent.
En conclusion
Tout d’abord, le communiqué de la BCT démontre une politique de stabilisation dans un contexte économique et financier encore complexe.
Ensuite, le choix de maintenir le taux directeur à 8 % est justifié par la nécessité de soutenir le processus désinflationniste; tout en s’adaptant à une économie nationale en reprise modérée.
Toutefois, la réussite de cette politique dépendra largement de la capacité du pays à gérer les risques extérieurs. De même qu’à mettre en œuvre des réformes structurelles et à améliorer ses secteurs productifs.
=================
* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG)