En Tunisie, les jeunes possèdent un potentiel immense. Cependant, avons-nous vraiment pris en compte leurs attentes et leurs besoins ? De nombreuses questions restent en suspens. Bien que beaucoup d’entre eux aient l’esprit d’initiative et souhaitent changer les choses, on observe un certain désintérêt pour la vie sociétale et professionnelle. Ce constat est particulièrement visible dans leur perception de la situation actuelle.
Pour cette édition, L’Economiste Maghrébin lance un grand débat sur la vision des jeunes concernant la Tunisie d’aujourd’hui et de demain. Ce débat portera sur les défis auxquels ils font face et leur contribution à l’avenir du pays, tout en mettant en lumière leur espoir d’un avenir meilleur. Nous avons invité Mehdi Cherif, jeune sociologue actif au sein de la société civile, qui a choisi de partager ses connaissances à travers son projet « Fahmologia » (« science de la compréhension »). Ce projet a permis la création de dix clubs dans six établissements universitaires à Tunis et a produit plus d’une cinquantaine de vidéos éducatives.
A ses côtés, Nada Aziz, Project Manager et consultante en Business Intelligence, apportera son expertise dans le domaine des technologies de l’information. Nos deux interlocuteurs, experts des réalités des jeunes dans les domaines de la sociologie et des IT, seront confrontés à des idées parfois contradictoires. Ensemble, nous établirons un diagnostic pour mieux comprendre les défis auxquels les jeunes seront confrontés dans les années à venir. Nous aborderons également leur rôle dans la construction d’un avenir prometteur, tout en offrant des pistes d’espoir.
Comment les jeunes contribuent au changement ?
Mehdi Cherif (M.C) : Personnellement, je pense qu’en l’absence de mouvements, d’initiatives ou d’organisations qui puissent fédérer les jeunes autour d’un changement, il est compliqué d’apporter des modifications significatives. Il n’existe pas de réponse unique qui convienne à tout le monde. Ce manque de perspectives est aggravé par des inégalités persistantes et une répartition des richesses qui ne favorisent pas l’ascension sociale. La méritocratie, qui devrait permettre aux individus de progresser en fonction de leurs efforts et compétences, semble souvent absente. Cela crée un sentiment d’inutilité chez les jeunes : pourquoi rester, travailler ou faire des efforts si l’on a l’impression de stagner?
(M.C.)Pour ma part, je suis contre les discours qui stigmatisent tel ou tel choix individuel. Par exemple, en ce qui concerne l’immigration, je considère que c’est un choix légitime. Quelqu’un qui quitte le pays, peu importe la manière dont il le fait. Il a réfléchi et ressenti qu’il devait partir pour concrétiser ses aspirations. Pour revenir à la question de comment contribuer au changement, je pense qu’il est important que chacun, à son niveau, s’informe, travaille et fasse le nécessaire pour se sentir à l’aise dans sa vie quotidienne. Cela permet de dégager un peu de temps à consacrer au changement et au développement d’initiatives collectives. Pour moi, cela commence par un travail sur soi-même.
Une fois qu’on a un peu de temps pour respirer, il est essentiel de faire un effort pour aller vers les autres et réfléchir ensemble à ce qu’on peut faire pour améliorer la situation. Je reconnais que ma réponse peut sembler floue et qu’elle n’est pas très concrète ni précise. Cependant, c’est ce que je me dis dans ce contexte où je ne me retrouve pas nécessairement dans les différents courants politiques. Je suis engagé dans la société civile et je travaille avec des associations. Je fais de mon mieux, mais cela est en partie possible parce que j’ai le temps; j’ai ce privilège de pouvoir dégager du temps. Ce que je souhaite dire, c’est qu’il est essentiel de prendre soin de soi pour pouvoir dégager du temps et s’investir dans des initiatives de ce type.
En attendant quelque chose de plus massif et d’important, il est possible de s’engager collectivement dans un groupe où il est possible d’agir ensemble.
Nada Aziz (N.A) : Dans le domaine IT, plusieurs solutions innovantes sont déjà proposées par les jeunes. Par exemple, une application simple pourrait réduire considérablement le temps d’attente pour les transports publics, passant de deux heures à cinq minutes. Cela démontre qu’il existe déjà des idées viables qui pourraient transformer la vie quotidienne des citoyens.
Je prends un autre exemple de projet spécifique : Digital School Management (DSMS). Il facilite la gestion éducative pour les parents et les directeurs d’école. Ce type d’initiative montre comment les idées des jeunes peuvent être appliquées pour améliorer des systèmes existants. Cependant, la question demeure: qui va les appliquer.
Extrait du match qui est disponible dans le Mag de l’Economiste Maghrébin n 903 du 25 septembre au 9 octobre 2024